Boléros & tangos au Studio Bastille
En guise d’accueil, les quatre artistes des Chœurs de l’Opéra national de Paris proposent d’emblée une chanson en quatuor a cappella, l’une des plus célèbres de la musique hispanique, Bésame mucho (de la pianiste mexicaine Consuelo Velázquez). Les timbres sont ronds, assez vibrés, mais le quatuor vocal manque d’homogénéité et d’équilibre. Ce défaut demeurera dans chaque chanson en quatuor, qui auraient mérité un travail de précision et d’ensemble plus approfondi. Néanmoins, le public a l’occasion d’entendre et d'apprécier chacun des chanteurs en soliste, à commencer par la soprano espagnole Rocio Ruiz Cobarro. Sa présence reste simple mais captive par la sincérité de ses interprétations et son timbre chaleureux avec nuance, tout en proposant des phrasés expressifs aidés d’un vibrato souple et bien dosé, comme dans Alfonsina y el mar d'Ariel Ramírez. Elle répond en duo avec le ténor Fernando Velasquez pour le fameux et malicieux boléro Quizás, quizás, quizás d'Osvaldo Farrés. Le chanteur chilien est un grand connaisseur des mélodies latino-américaines, dont il présente rapidement les origines (du boléro et du tango). Son expertise se ressent assurément par la manière dont il interprète ces chants, en véritable conteur, avec limpidité et intensité. Sa voix riche paraît beaucoup plus à l’aise dans son registre grave (permettant ainsi d'apprécier, entre autres, le tango Por una Cabeza de Carlos Gardel).
Le baryton italien Frédéric Guieu offre une intéressante interprétation de Perfidia (boléro d'Alberto Dominguez), de son timbre très rond et parfois agréablement sombre, très expressif et allant même s’accompagner au piano en deuxième partie de chanson. Son collègue baryton polonais Slawomir Szychowiak soutient les quatuors de sa voix profonde, mais c'est surtout depuis la guitare qu’il accompagne ses collègues. Les quatre chanteurs associent ainsi leurs talents instrumentaux : avec Frédéric Guieu au piano, les deux sont rejoints par Rocio Ruiz Cobarro qui prend son violon et Fernando Velasquez aux claves pour être également de la partie. Si ces artistes du chœur ont sans aucun doute fait des études dans leur instrument, ils ne le pratiquent visiblement plus tous les jours. Cependant, malgré quelques petites maladresses ou raideurs dans leur jeu, ils sont d’indéniables musiciens. L’auditeur participe alors à une réunion entre amis de bons amateurs de musique qui ne recherchent pas l’excellence mais simplement le bonheur de faire de la musique ensemble. Dans l’intime studio de Bastille, le public s’en montre ravi.
Après trois quarts d'heure de chants, les artistes avouant commencer à avoir faim, ils offrent tout de même, et avec un plaisir certain, en bis la chanson d’ouverture, Bésame mucho.