Spectaculaire concert inaugural de la 28ème saison musicale des Invalides
Comme nous le détaillait dans sa présentation de saison musicale sa Conservatrice Christine Helfrich, Un Requiem allemand de Johannes Brahms était initialement programmé pour ce concert inaugural de la saison musicale à l’Hôtel national des Invalides, mais les restrictions sanitaires obligeant la distanciation des artistes de chœur ne permettent pas la venue du Chœur de l'Orchestre de Paris. Le public, qui occupe ce soir toutes les places qu’offre la somptueuse Cathédrale Saint-Louis des Invalides, a droit alors à une autre œuvre phare du compositeur allemand, sa Symphonie n°3 en Fa Majeur. Les amateurs lyriques n’en seront pas en reste puisqu'un florilège de beaux airs de Giuseppe Verdi leur sont également proposés en seconde partie de concert. Deux compositeurs majeurs de l’ère romantique sont donc réunis en un même programme, sans rivalité mais partageant leur propre vision de leurs idéaux, de l’Homme et du monde.
Pour la première partie symphonique, le spectateur peut immédiatement admirer la véritable chorégraphie, engagée et active, du chef Adrian Prabava. Dirigeant par cœur et ainsi libéré de tout obstacle entre lui et ses musiciens, il réussit à leur insuffler avec une grande efficience et fermeté les longs phrasés de la musique de Brahms. Il réussit également à veiller aux équilibres et aux dynamiques, incessamment pertinentes, offrant des couleurs justes qui mettent en valeur les belles mélodies -intenses et sensibles- de la symphonie, malgré les difficultés que peut réserver l’acoustique généreuse de la Cathédrale. L'ensemble est toutefois appréciable dans son homogénéité, très rarement et très anecdotiquement perturbée (même dans les pizzicati). La petite harmonie, qui peut sembler un peu loin derrière les cordes, surtout pour les premiers rangs, reste néanmoins parfaitement présente avec notamment un moment choral en début de deuxième mouvement magnifiant sa mélancolie. Après la célèbre valse du troisième mouvement, avec cette superbe et si touchante mélodie, le dernier mouvement offre de non moins beaux souffles du discours musical avec des contrastes et des accents précis sans sécheresse. Après tant de puissance et d’intensité, la toute fin, énigmatique, semble être amenée de façon un peu brusque, avec un pizzicato final malheureusement imprécis -pas seulement liés à quelques raclements de gorge de spectateurs.
Si les mélomanes symphoniques se montrent très satisfaits de cette belle interprétation de l’Orchestre national de Metz, les passionnés du lyrique ne manquent pas d’être séduits par la puissance des voix, les timbres flamboyants et l’élégance des quatre chanteurs solistes invités pour interpréter les puissants airs de Verdi. La musique démontre même sa puissance dramatique et sa virtuosité spectaculaires. Après l’ouverture exaltante de La Forza del destino, la soprano Iryna Kyshliaruk interprète "Sul fil d’un soffio etesio" extrait de Falstaff. Sa voix lumineuse emplit la cathédrale avec tendresse, notamment par son vibrato souple et sans jamais forcer. Sa prononciation de l’italien pourrait gagner en clarté mais ses lignes sont soutenues avec constance et expressivité. Son timbre doux en duo avec le ténor Jérémie Schütz dans "Parigi, o cara" de La Traviata, contraste avec la proposition puissante de son collègue, sans que cela ne gêne la beauté de ce duo. La prestation de Jérémie Schütz est d'autant plus appréciable qu'il remplace Florian Cafiero, déclaré souffrant la veille seulement. Son timbre, aux limites de celui d’un baryton, est chaleureux et rayonnant, assez intense et sûr dans l’interprétation convaincante du "De’ miei bollenti spiriti" extrait également de La Traviata.
La mezzo-soprano Ambroisine Bré charme par son jeu scénique, expressif sans néanmoins de superflu, son texte parfaitement intelligible et sa ligne vocale sensible. Son timbre est très agréablement cuivré dans les graves et ses aigus sont éclatants mais avec une teinte qui les adoucit subtilement, notamment par un vibrato ample mais bien maîtrisé. Après "Oh, dischiuso è il firmamento" de Nabucco, ses vocalises sûres voire provocatrices lors du "Nel giardin del bello" de Don Carlos font le bonheur de l’auditoire. Pour défendre avec noblesse le registre de la voix basse, Paul Gay se montre fort impressionnant par la puissance et la profondeur de sa voix. Il interprète par cœur et avec autorité "O tu palermo" des Vêpres siciliennes, semblant le partager naturellement avec un public conquis. L’intensité sonore a cependant quelques fois raison de la justesse.
En bis, les quatre solistes se réunissent pour offrir "Bella figlia dell’amore" du Rigoletto, spectaculaire quatuor vocal qui clôt ce concert aux œuvres intenses en un feu d’artifice.