Après-midi champêtre et sacrée avec Le Concert Spirituel au Parc Floral de Paris
Cet été, le Parc Floral réunit ses trois festivals (Pestacles, Paris Jazz Festival et Classique au Vert) pour susciter les rencontres avec les arts, les genres musicaux, les publics et les interprètes. C’est ainsi qu’après un samedi aux couleurs d’Astor Piazzolla, le public s’assemble devant la scène couverte de l’Espace Delta pour entendre du Mozart. Le choix d’œuvres sacrées, à savoir deux messes brèves du jeune maître de chapelle de Salzbourg entrecoupées d’œuvres écrites pour l’église, peut certes étonner en cet endroit et en cette occasion. Le chef d’orchestre Hervé Niquet a beau prévenir que, par manque de temps, ils n’ont pu construire les murs et la coupole nécessaires à la bonne écoute de telles œuvres, les auditeurs attentifs regretteront en effet le manque d’intériorité de cette musique qui, évidemment, s’échappe en ce lieu extérieur. Le rendez-vous est soit manqué, soit initié pour une autre fois : invitant un public qui ne serait peut-être pas allé vers cette musique sans cette occasion.
Au-delà de la pertinence du programme, il est certain que, pour ceux qui ne les connaissaient pas encore, la découverte de la personnalité du maestro Hervé Niquet et l’excellence de son ensemble Le Concert Spirituel est une agréable surprise. Certes, la sonorisation imposée par l’acoustique impropre d’une scène extérieure ne permet pas aux artistes, en particulier les chanteurs, de faire preuve de toutes les nuances qui magnifieraient les œuvres. Néanmoins, ces contraintes techniques permettent aussi d’apprécier l’exigence des artistes du chœur, pour lesquels les microphones ne pardonnent rien, contrairement à l’acoustique généreuse d’une église. Très attentifs à la direction nette et verticale de leur chef, les neuf chanteurs montrent un soin tout particulier à la prononciation de leur texte et à être toujours bien ensemble. L’équilibre et l’homogénéité sonores sont bien dosés, très certainement grâce à l’écoute d’un régisseur de goût. Le chœur ne manque pas de prestance, notamment lors du Kyrie Eleison de la Messe brève en Ré majeur. Il fait preuve d’efforts dans les recherches de couleurs, mais qui restent trop peu remarquées, lors du Dona nobis pacem de la Messe brève en Fa majeur. Cette mise en valeur des chanteurs permet également d’entendre avec un certain plaisir les timbres de chaque pupitre, particulièrement celui des voix intermédiaires comme celui des altos, dont la chaleur et la rondeur sont envoûtantes. Les trois sopranes partagent la clarté de leur voix, tout comme les ténors, tandis que celle des basses est bien assise. Les conduites des phrasés, insufflées avec force et conviction par Hervé Niquet, sont toujours très pertinentes., que ce soit pour le Crucifix de la Messe en Ré ou l’Ave verum qui aurait indéniablement gagné en intimité dans une salle appropriée.
Heureusement –mais pour les tout premiers rangs–, le petit effectif en trio avec basse continue paraît moins amplifié, ce qui leur permet davantage de reliefs et de couleurs, donnant ainsi le mouvement et la vie des accompagnements rythmés du style classique. Il est particulièrement appréciable dans l’esprit tout à fait mozartien du jeu du premier violoniste, sensible aux phrasés et aux subtils jeux propres à l’écriture d’un jeune Mozart aussi doué que facétieux. Le second mouvement du Concerto pour orgue de Joseph Haydn fait entendre un touché manquant terriblement d’énergie et de facétie, qu’offre néanmoins en réponse le trio de cordes.
N’attendant pas que le public exprime de lui-même la demande d’un bis, Hervé Niquet lui propose –puisque le bis était déjà prévu– d’entendre de nouveau « l’Ave-verum-de-Mozart » dans la version de Charles Gounod, beaucoup plus lente et aussi plus connue car ainsi plus touchante. C’est ainsi qu’après cette très agréable pause musicale de près d’une heure, le visiteur peut reprendre sa promenade en ce beau dimanche après-midi.