Puissant Voyage germanique au Festival de Saint-Denis
Le programme de la soirée parcourt les genres et les formes de la musique allemande, avec simplicité mais sans jamais briser l’harmonie d’un concert ample et mené d’une main de maître. L’ouverture du Tannhäuser pose d’emblée le thème de la soirée, la musique allemande, avec toute la richesse de cette fameuse première partie de l’œuvre de Wagner. Synthèse de l’œuvre mais aussi synthèse d’un certain esprit germanique, cette pièce introduit le concert et permet de dessiner les principaux thèmes des œuvres suivantes. La soirée se poursuit en effet avec les Quatre derniers Lieder de Richard Strauss, portés par la soprano Camilla Nylund. Ce moment intense et dense tant musicalement que thématiquement est à la fois le cœur du concert et sa pierre tournante, qui permet alors de laisser toute la place à l’orchestre dans la Symphonie n°4 de Brahms.
L’Orchestre est dirigé avec une très grande subtilité par Karina Canellakis, qui arrive avec un talent rare à dégager les différentes mélodies, et à les construire en parallèle, sans perdre en intensité. La direction, tout en souplesse, donne une profondeur au Tannhäuser, qui prend un sens très différent dans l’acoustique de la cathédrale, moins rythmique, plus romantique, mais préparant avec une légèreté insoupçonnée aux Lieder qui suivent. La très grande qualité du pupitre des cors se distingue tout au long du concert.
Si l’orchestre prend une place très importante dans le concert, la véritable star de la soirée est tout de même Camilla Nylund, qui fait figure de reine vocale, à l’image de celles qu’évoquent les thèmes de Wagner. Dans la Basilique-Cathédrale de Saint-Denis, la soprano finlandaise s’impose en effet par un charisme rare, régnant sur le public comme sur l’orchestre. Les aigus sont toujours maîtrisés, sans aucun faux pas, avec une approche de la note par au-dessus impeccable. La tenue du son impressionnante s’allie à une maîtrise du texte et un jeu subtil sur les nuances, qui fondent son jeu sur une très grande musicalité. L’intonation n’est certes pas toujours très constante, mais la soprano n’hésite pas à privilégier l’intériorité plutôt que la puissance, choix tout à fait pertinent compte-tenu des thèmes évoqués par les poèmes de Herman Hesse et Eichendorff.
Si dans ces moments, l’orchestre pêche souvent par un manque d’écoute de la chanteuse, et laisse percevoir parfois une certaine forme de rivalité entre la soliste vocale et les solistes instrumentistes, la soprano conserve cependant toujours sa ligne. Devant sa cour de musiciens et de spectateurs, elle passe alors de reine à impératrice.