Concert réduit aux Invalides : les Victoires de la musique classique au temps du confinement
Introduits au compte-gouttes dans la grande cathédrale, les quelques spectateurs de ce concert confiné approchent de l’autel où les solistes et les techniciens, masqués, arrangent les derniers préparatifs. Le lieu étant vaste, la dizaine de personnes invitées peut en profiter pour pleinement respecter les distances sanitaires, se dispersant sur cinq bancs en attendant le début de ce concert aux allures d’impromptu, qui sera retransmis sur Radio Classique le samedi 12 décembre à 21h.
Gabriel Pidoux et Théotime Langlois de Swarte font une entrée discrète et se lancent dans l’interprétation de deux arrangements extraits de La Flûte enchantée, “Der Vogelfänger bin ich ja” et “Der Hölle Rache”. L’hautboïste joue avec aisance une partition qui le met en valeur, notamment lorsqu’il attaque les vocalises de la Reine de la Nuit. Cette virtuosité se retrouve plus tard dans le deuxième mouvement de la Sonate pour hautbois de Saint-Saëns, qu’il prend soin de présenter en détail comme toutes ses interventions. Le violoniste quant à lui, plus en retrait, se distingue dans le premier morceau où les phrases de Papageno, passant d’un soliste à l’autre, révèlent la complicité entre les deux artistes.
Ce duo ouvre ce concert singulier, construit autour d’un thème aussi vague que prolifique : celui de l’amour. Raphaëlle Moreau (violon), en retrait au début du concert, se distingue vite par un jeu plein de nuances, notamment lorsqu’elle interprète la pièce n°4 pour deux violons de Chostakovitch, aux côtés de Théotime Langlois de Swarte. A Claire Désert au piano viendront par ailleurs se joindre deux voix lyriques, celle de la soprano Marie Perbost et du ténor Kévin Amiel.
C’est le ténor, accompagné par le piano, le hautbois et les violons, qui vient prendre place ensuite pour interpréter l’air de Nemorino, “Una furtiva lagrima” (L'Élixir d'amour, Donizetti). La voix, immédiatement projetée, apparaît un peu sombre et un voile vient ternir la ligne de chant, agréablement ciselée au demeurant. Toutefois, elle retrouve vite ses empreintes et la brillance du timbre associée à la lumière de l'émission font tout le plaisir du duo du même opéra aux côtés de Marie Perbost (“La la la la la...Esulti pur la barbara”), comme de la mélodie italienne “Non ti scordar di me” (De Curtis). La soprano enchaîne tout à la fois une mélodie de Reynaldo Hahn, “La dernière valse”, la Romance de Debussy et l’air de Pamina “Ach, ich fülh’s” (Die Zauberflöte). Le timbre, généreux, séduit dès les premières mesures, mais le texte est peu intelligible et le grave un peu sourd. C’est dans l’air de Mozart que la voix gagne en assurance pour offrir une interprétation dramatique et envoûtante, aux aigus étincelants.
Tous les solistes rejoignent le plateau pour un finale de Ciboulette enlevé (“Amour qui meurt, Amour qui passe” Reynaldo Hahn) où transparaît un temps ce qu’aurait offert ce concert devant un vrai public.