Sandrine Piau et Le Concert de la Loge, retour à l’Arsenal de Metz
Ce concert, reporté suite à son annulation en fin de saison dernière, est l’occasion en préambule pour Julien Chauvin d’exprimer son « très, très grand plaisir » de retrouver « l’acoustique extraordinaire » de la Grande Salle. Le programme proposé par Le Concert de la Loge offre quatre airs à Sandrine Piau et une succession de pièces pour cordes de Vivaldi. L’auditeur est libre, comme le rappelle le chef, d’applaudir quand il le souhaite, de « se laisser perdre » dans la plongée vivaldienne.
Le public retrouve avec un immense plaisir, qu’il exprime par ses bravi, la fougue de l’ensemble qui lui avait tant manqué, sur le premier allegro de l’ouverture de L'Olimpiade, choix logique pour un ensemble forcé (par le CIO) de renoncer à son appellation originelle de Concert de la Loge Olympique. C’est une performance sportive à laquelle convie l’ensemble, entre sprints de cordes virtuoses, largos courses de fond mélancoliques, multitude de nuances, de tempi. Le Concerto pour violon en ré majeur à l’allegro noble et distingué se déploie dans l’agilité de l’archet du chef-premier violon. La Sinfonia en sol mineur, sur les notes finales de certaines mesures, offre un filage du temps, des pianissimi légers à souhait, comme si les instrumentistes soufflaient sur une poudre légère.
Cette impression de légèreté et de délicatesse vaporeuse se retrouve dans les pizzicati et dans le timbre de Sandrine Piau sur le bien nommé "Zeffiretti che sussurrate" (Petites brises qui chuchotez), extrait d'Ercole sul Termodonte. Le jeu de correspondances entre les cordes et la voix, espiègles, fait mouche.
La soprano incarne son personnage d’Hippolyte avec conviction, les aigus conservant la chaleur première qui caractérisait l’air de L'Atenaide "Della rubella", en une diction très claire, alors que le premier air pâtissait d’une articulation quelque peu réduite au profit d’une belle projection. Cette dernière est toujours nette, avec des mediums stables et des aigus toujours qualitatifs avec ou sans ornement, rendant bien l’attente et l’espoir d’Ottone sur l’air "Vede orgogliosa l’onda" ([Le sage timonier] voit la vague orgueilleuse) de Griselda. Dans ce même opéra, le célèbre air de Costanza, "Agitata da due venti", est offert avec la profusion idoine et somptueuse de trilles d’une redoutable efficacité. Le timbre est incisif, mordant à souhait pour un air aussi fébrile.
Les quatre airs prouvent la qualité des aigus, avant le triomphe de trois rappels. Passant à Haendel avant de retourner à Vivaldi, Le Triomphe du Temps et de la Désillusion laisse éclater un timbre pur, aux graves affirmés et aux aigus toujours aussi assurés, une diction et une portée impeccables. Les bravi et les applaudissements nourris du public achèvent très logiquement ce concert d’ouverture de la programmation baroque de la maison messine.