Les amours de Figaro revisitées dans un spectacle inédit à l’Opéra de Vichy
Faire travailler
conjointement des solistes de talent, un accordéoniste multicartes,
et des jeunes enfants vichyssois n’ayant, pour beaucoup, jamais eu
de contact avec l’univers lyrique. Tel a été le pari relevé
durant une semaine par la metteuse en scène Frédérique Lombart dans le cadre de vacances dites “apprenantes”, un dispositif
jeunesse mis en place par l’Éducation nationale à l’occasion de
ces congés d’été post-confinement (dispositif bénéficiant du
soutien financier du Ministère de la Culture).
Ainsi, dans le cadre de leur séjour d’été en centre social, une cinquantaine d’enfants vichyssois âgés de 6 à 12 ans sont devenus des membres à part entière d’une troupe lyrique appelée à donner, au terme d’une semaine de travail, un spectacle sur la scène de l’Opéra de Vichy. Une expérience inédite pour ces jeunes qui, avec cette troupe éphémère, sont allés jusqu’à répéter dans les rues, les parcs, et même les rayons d’un supermarché ! De quoi susciter un bel élan de curiosité, et donner au plus grand nombre l’envie de découvrir le spectacle monté par Frédérique Lombart, baptisé “Les Voyages des Noces ou la Folle semaine”. Un spectacle court consistant peu ou prou en une relecture de l’œuvre de Beaumarchais via les deux grands opéras que celle-ci a inspiré : Les Noces de Figaro et Le Barbier de Séville (le troisième opus de la trilogie de Figaro ayant donné lieu à un opéra plus tardif, La Mère Coupable composé par Darius Milhaud dans les années 1960).
Une relecture, donc, basée sur un postulat simple. Sur une scène figurant un banquet de mariage, avec des enfants assis derrière des tables à festoyer gaiement, Figaro épouse d'abord Rosina. Mais le voici soudain épris d’une autre, Susanna, avec laquelle il en vient aussi à convoler en justes noces, sans que la première épouse ne trouve son mot à dire, l’amour finissant (évidemment) par triompher. Simple, mais efficace, ce scénario vise surtout à relier les deux grands opéras de Rossini et de Mozart dont le spectacle se nourrit. Deux opus majeurs du répertoire lyrique qui, dans cette pièce inédite, côtoient des œuvres inscrites au registre de l’opera bouffe (Orphée aux Enfers d'Offenbach), ou encore à celui de la comédie musicale (avec le fameux air “J’ai Deux amants”, issu de L'Amour masqué, pièce signée Sacha Guitry et André Messager). Un drôle de mélange des genres, un spectacle chanté (avec intermèdes parlés au micro pour annoncer les scènes) ne tombant jamais dans la lenteur ni dans l’ennui, ce qui doit beaucoup à la performance de solistes à la carrière encore jeune, mais à l'engagement déjà affirmé.
Quatuor vocal
Dans chacun de ses rôles, en Rosina comme en Cherubino, la mezzo-soprano Alexia Macbeth déploie une voix vibrante, au timbre clair et plein de charmes, aux sonorités d’autant plus ardentes qu’elles s’approchent des notes les plus basses. Dans un pantalon aux motifs Vichy de circonstance, la jeune artiste interprète un plaisant “Voi Che Sapete” certes retranscrit en genre chanson de variété, mais porté par une voix aux reflets incessamment lyriques. En Susanna ou en Comtesse, Charlotte Bonnet offre une voix richement timbrée et agréablement projetée sur une large étendue de tessiture. Les aigus sont plein d’éclats, et le jeu de scène empli de fraîcheur.
Chez ces messieurs, Mikhael Piccone est un double Figaro aux traits vocaux bien affirmés, avec une voix de caractère émise aisément sur une large étendue vocale. Avec son timbre vibrant et ses graves effervescents, le baryton porte en outre un réel soin à la diction, avec un phrasé soigneusement ciselé et porté par une belle tenue de souffle. En Comte comme en Jupiter d’Orphée aux Enfers, Alban Legos fait aussi entendre un joli timbre de baryton, avec une émission soignée nantie d’une diction bien appuyée. La voix n’est pas excessivement profonde, mais ses contours polis et son usage plein de sensibilité font leur effet. À l’instar de leurs partenaires féminines, les deux barytons font par ailleurs preuve d’un plein engagement dans l’expression scénique, comme s’ils se trouvaient au cœur d’un vrai opéra (impression finalement partagée de tous).
L’orchestre,
lui, est remplacé par l’accordéon du toujours épatant Michel
Glasko (déjà vu lors du concert tango donné quelques jours auparavant dans ce même festival).
L’instrumentiste
trouve
toutes les recettes pour adapter une partition lyrique à
l’emploi de son instrument,
dont il fait un usage aussi habile en technique que musicalement dans l’accompagnement des parties chantées. La
contribution est donc totale à ce spectacle conclu
en fanfare, enfants et solistes réunis sur scène, sur l’air final
des Noces
de Figaro
ici traduit en français, afin que tout le monde (et surtout les
enfants) puisse participer au feu d’artifice vocal venant terminer
la soirée.