Voyage de styles avec Marc Mauillon au Festival Européen Jeunes Talents
La Cathédrale Sainte-Croix-des-Arméniens dans le quartier parisien du Marais, ouvre ses portes pour le troisième concert de cette édition anniversaire. Le strict protocole sanitaire respecté, avec une jauge de l'église réduite à sa moitié, la soirée se déroule donc dans une ambiance exceptionnelle et adaptée aux circonstances, accentuant l'atmosphère chambriste de l'effectif sur scène. Ce concert "En compagnie de Marc Mauillon", l'artiste français auquel est confiée la conception programmatique, tisse des liens entre les époques et styles musicaux éloignés. Ce voyage stylistique, allant du XVIe siècle jusqu'à nos jours, comprend un mélange de chansons et madrigaux sur les textes d'auteurs anciens (tels Pierre de Ronsard et Charles d'Orléans), avec leurs pastiches et adaptations plus modernes. Selon les dires de son créateur, ce programme figure comme l'aboutissement de recherches musicologiques studieuses, et accorde à la poésie une place primordiale.
La soirée est composée d'une alternance entre les pièces de chœur a cappella (réduites à quatre voix solistes) et les chants pour un soliste et piano. La formation chambriste s'attaque soigneusement à la partition, faisant ressortir les jeux et motifs mélodiques du contrepoint, tout en gardant l'équilibre sonore de l'ensemble. L'émission est dosée et fine, l'intonation et la rythmique à point.
Parmi les solistes, Marc Mauillon se distingue par approche interprétative historiquement informée, en particulier par sa prononciation qui se montre minutieusement travaillée (qu'il s'agisse du français ancien ou contemporain). Outre son attention prononcée pour les détails, il déploie l'ensemble de son immense ambitus (il est annoncé comme ténor et baryton) et reste aussi convaincant que solide dans les deux extrémités de sa ligne. L'apogée de sa prestation arrive vers la fin du concert par les Chansons gaillardes de Poulenc, entonnées avec énergie, virtuosité et richesse dans l'expression.
Le baryton Jean-Christophe Lanièce livre une interprétation des mélodies françaises mesurée en intensité et polychrome en timbre sonore. L'assise ronde et assombrie, mise en valeur par son élégance du phrasé, insuffle vie aux Trois chansons de Debussy avec beaucoup de pertinence stylistique, à l'instar d'un Golaud. Il termine sa soirée en soliste avec "À Chloris" de Reynaldo Hahn, par une exécution vocalement moins souple, mais toutefois éloquente et colorée.
Victoire Bunel (mezzo-soprano) se présente par son timbre lumineux et une projection sonore plus intense, surtout dans les aigus retentissants. Son chant est d'une part plus vibré et opératique dans les forte, et d'autre part doux et élastique dans les phrases savamment pétries en piano. Un extrait de Monomanies de Reynaldo Hahn (a cappella) la montre en contrôle souverain de son instrument, avec articulation et puissante de poitrine. Sa collègue soprano, Marianne Croux, à la voix claire-obscure, exploite avec aisance les domaines du registre supérieur tout comme inférieur de sa portée vocale. Son appui solide renforce d'ailleurs sa stabilité d'intonation, tandis que la prononciation est nette et précise. Néanmoins, son expression manque un peu de relief et la voix s'avère par moments moins contenue, ce dont témoigne un usage du vibrato légèrement excessif.
Finalement, Guillaume Vincent au piano est un appui artistiquement substantiel par un toucher plein de finesse et en arrière plan qui peint l'atmosphère intime de l'univers sombre et rêveur des pièces de Debussy et Ravel. L'usage de la pédale de sourdine accentue cet effet, mariant à la fois la légèreté du jeu mélodique et la plénitude sonore des blocs d'accords. Finesses dynamiques et riche palette des couleurs attirent autant l'oreille du spectateur que ses collègues chanteurs.
Le concert s'achève dans les acclamations de l'auditoire, qui ainsi salue ce "rêve" enfin réalisé par Marc Mauillon, ainsi qu'il l'avait confessé au public.