350 ans des Invalides, célébration mystique et historique avec Charpentier
Le
programme réunit des œuvres
composées par Marc-Antoine Charpentier entre 1685 et 1698, dépeignant deux
visages de la célébration à l’époque du Roi Soleil (Louis
XIV, qui ordonna la construction des Invalides) en
réunissant le sacré et le profane. Il célèbre à la fois la
grandeur de l’Église et du Prince.
Hervé Niquet et son ensemble (chœur et orchestre) du Concert Spirituel ont notamment gravé un mémorable disque Charpentier en 2008 (Missa Asumpta est Maria). Ils démontrent ce soir une même grandeur et même clarté, qui se reflètent à travers leur sensibilité et compréhension approfondie, des œuvres et des instruments d’époque.
La concentration et la distribution sonores parmi l’orchestre sont évidentes dès le début. Elles sont égalées par une différenciation propre à chaque pièce. Les vents sautillent gracieusement pendant les staccati dans l’Ouverture du Malade imaginaire, les Marches pour les trompettes impriment leur ambiance de grandeur et de festivité. Les cordes sont impeccablement articulées, délivrant sans hésitation les passages mélodieux comme les passages syncopés (en contre-temps). La collaboration entre les vents et les cordes est solide et harmonieuse. La basse continue, prise en charge par deux théorbes, démontre comme le reste de l’orchestre une très bonne articulation et un grand souci de clarté. Enfin, malgré de petits soucis acoustiques pendant les Marches, la percussion est solide et bien maîtrisée tout au long du Te deum. Sa présence amplifie et consolide la grandeur du chef-d’œuvre.
La solidité, la coordination et l’esprit d’équipe du chœur leur valent un excellent accueil. Pendant les passages en unisson, il assure toute l’étendue des registres avec soin et précision et fournit un appui précieux pour les solistes par le biais d’un échange naturel avec l’orchestre. La soprano Alice Glaie, dans la fonction du dessus, a un timbre cristallin et une très bonne diction. Sa voix brille surtout au début du cantique In Honorem Sancti Ludovici regis Galliae Canticum, par le contact avec les cordes et la basse. Les notes hautes sont rondes, mettant le timbre en valeur, sans nullement être trop perçantes. La luminosité de sa voix est égalée et renforcée par la robustesse et l’élégance de celle de Julie Beaumier, également dans la fonction du dessus. Consciente de son raffinement technique et de sa grande maîtrise vocale et articulatoire, elle dévoile tout son éclat en début d’Assumptione Beata Mariae Virginis. Parallèlement, elle sait assumer le rôle de soutien lors de l’échange avec soprano et basse accompagnée par les cordes du Dignare, Domine (Te deum, IX). Même pendant les tutti les plus denses, sa voix retient sa vigueur mais ne s’efface jamais dans la densité sonore.
Dans la fonction de haute-contre, le ténor Clément Debieuvre se montre plus hésitant. Souvent trop soutenu pendant les passages où il devrait s’imposer, il ne se laisse pas assez entendre parmi les solistes. Néanmoins, il parvient à démontrer l’épaisseur de son timbre mélodieux et évoquer l’ambiance mystique dans Te per orbem terrarum (Te Deum, V). Là, sa capacité vocale se laisse remarquer en plein éclat. Le baryton-basse François Joron dans la fonction de taille est solide. Son timbre de fer est mis en valeur par la maîtrise de la respiration et une diction impeccable. Il s’impose particulièrement pendant le solo d’In Honorem où il délivre avec précision les nuances du registre haut de la voix, et pendant l’unisson avec le haute-contre et la basse dans Te per orbem terrarum (Te deum, V). Enfin, Jean-Christophe Lanièce leur offre un soutien plein et entièrement complémentaire. D’un timbre également solide mais plus soyeux et sobre, il assure la solidité générale des passages par la densité de sa voix. Il sait en outre se mettre en valeur pendant ses soli, faisant de lui le pilier central dans Te per orbem terrarum (Te deum, V), Dignare, Domine (Te deum, IX) et la lamentation Fiat misericordia tua (Te deum, X).
La soirée se termine dans la grandeur et la brillance de l’inoubliable finale In te, Domine, speravi (Te deum, XI), concluant la triple célébration mystique et historique du talent de Charpentier.