Tendre Triomphe de l’Amour et de la Paix pour les 350 ans des Invalides
Fondé le 24 février 1670 par Louis XIV, l’Hôtel national des Invalides veut marquer ses 350 ans tout le long de l’année. Ce soir, presque jour pour jour après qu’il ait (symboliquement) posé la première pierre, son royal fondateur est honoré par la musique de son surintendant à la musique, Jean-Baptiste Lully (1632-1687). La Cathédrale Saint-Louis est pour ce concert l’écrin des plus beaux airs de Lully chantant la rencontre amoureuse, les espoirs, les jalousies et la gloire… Le triomphe de l’Amour et de la Paix.
Pour chanter l’amour, la charmante soprano Amel Brahim-Djelloul, familière de ce grand édifice religieux et acoustique, montre immédiatement une maîtrise de la projection et de la résonance de sa voix, ce qui permet de savourer ses moindres paroles. Son timbre tendre et clair, particulièrement lumineux même dans les aigus, gagne encore en intensité par ses regards et sa gestuelle investie. Parmi toutes ses interventions, la soprano se montre extrêmement convaincue et touchante lors de l’air de Théone « Ah, Phaéton ! est-il possible/ Que ... sensible / Pour une autre que moi » (Phaéton – Acte III, scène 1). Le spectateur peut aussi ressentir une sincère compassion envers la pauvre Armide, remplie de colère et d’une profonde tristesse « Le perfide Renaud me fuit » (Armide – Acte V, scène 5).
Le haute-contre Jean-François Lombard souffre sans doute de l’éclat des lieux, de l'occasion (et de sa collègue), paraissant alors moins émotionnellement et vocalement engagé. Sa voix n’a pas tout à fait la même largeur et, surtout, est limitée dans la palette de timbres. Il partage cependant une diction tout aussi appréciable et ne manque jamais de délicatesse dans ses phrasés. Les duos s'équilibrent ainsi sur la commune diction.
Les six musiciens de l’Ensemble instrumental Les Paladins doivent d’abord s’adapter à l’acoustique très généreuse de la cathédrale, tout comme l’oreille des auditeurs. Par leur précision et leur énergie constante, ils réussissent rapidement à proposer une musique pleine de reliefs, avec de francs contrastes de nuances. Les quelques et légers décalages sont vite rattrapés grâce à la direction attentive, souple et parfois rebondissant de Jérôme Correas. Depuis le clavecin, il donne l’impulsion nécessaire à la régularité du tempo et impose la variété des couleurs de l’ensemble.
Pour remercier le public ravi de ce premier concert marquant l’anniversaire des Invalides, les musiciens offrent en bis la gracieuse –certains pourraient dire naïve– déclaration d’amour entre Naïs et Neptune « Que je vous aime » de l’opéra Naïs signé par une autre gloire nationale essentielle dans l'histoire de l'art classique français, Jean-Philippe Rameau (1683-1764).