Standing ovation pour une Sabine de miel dans la Somnambule au TCE
Troisième opéra en version concert après Persée mercredi (voir le compte-rendu) et Werther samedi (voir le compte-rendu), la Somnambule vient clore cette belle semaine lyrique de jolie façon. L’œuvre, composée par Bellini en deux mois (il réutilisa pour cela des passages d’un opéra resté inachevé, Hernani, dont on retrouve également des extraits dans Norma) exige une soprano capable de grandes prouesses vocales. Les Grandes Voix, producteurs du spectacle, ont trouvé pour cela une personne idoine : Sabine Devieilhe.
Tout juste remontée d’Avignon où a triomphé sa Lakmé, l’un de ses rôles fétiches avec celui de la Reine de la Nuit dans la Flûte enchantée de Mozart, elle incarne une Amina d’une exquise légèreté. Incarnant son personnage à la perfection malgré l’absence de mise en scène, vivant ses émotions jusqu’au bout des ongles, elle exprime une réelle fragilité, manifestement pas déconcentrée par la difficulté technique de sa partition. Elle enchaîne trilles, vocalises et notes suraiguës d’une pureté cristalline avec maîtrise et sans perdre la sincérité de son propos. C’est ainsi qu’elle parvient à captiver son auditoire durant la longue scène du moulin (douze minutes, tout de même !), sans jamais paraître forcer. Cette incartade dans l’univers bellinien, qui en appelle d’autres, s’est soldée par une standing ovation d’un public conquis.
Face à elle, John Osborn est moins à l’aise. Le chanteur, dont la voix émerveille dans un registre plus lourd comme le rôle d’Arnold de Guillaume Tell (Rossini), semble forcer ses aigus dans la première partie pour rendre l’impression d’insouciance amoureuse que requiert le rôle. Plus à l’aise dans la seconde partie, qui se trouve être plus lyrique et donc plus proche de son répertoire habituel, il paraît également porté par Devieilhe durant leurs duos, la légèreté de cette dernière déteignant sur son interprétation.
Le rôle du Comte Rodolfo est bien servi par la basse Nicola Ulivieri, dont le charisme naturel se nourrit d’une haute taille et d’une barbe brune. Sa voix ample et puissante et son phrasé langoureux font de ses airs des moments forts du concert, malgré une aisance limitée dans les quelques vocalises que son rôle lui réserve. Jennifer Michel s’appuie sur une voix au timbre riche et corsé et sur un vibrato désarmant pour incarner avec expressivité une Lisa sûre d’elle-même. Seul un souffle imparfaitement maîtrisé la met en difficulté à quelques reprises. Ses vocalises, techniquement irréprochables, manquent également de légèreté et d’intention. Rachel Kelly (timbre chaud, très à l’aise dans le registre médium requis par la partition) en Teresa et Ugo Rabec (au timbre radieux, légèrement en retrait dans les ensembles) en Alessio remplissent très honorablement leur rôle.
Christopher Franklin dirigeait pour l’occasion un Orchestre de chambre de Paris légèrement timide, manquant parfois de liant. Les tempi choisis manquent d’élan et retranscrivent mal la liesse du premier tableau. Le second tableau, de bien meilleure facture, offre une grande subtilité dans les nuances et une précision chirurgicale dans les pizzicati. Le deuxième acte reste dans le même élan : sobre, sans fioriture, mais tout à fait efficace. Le chœur Les Cris de Paris, contrairement à ce que son nom indique, chante avec délicatesse, au point parfois de manquer de puissance.
Outre les oratorios si chers au Théâtre des Champs-Elysées, il restera, d’ici la fin de la saison, des versions concert de Lucia de Lammermoor de Donizetti chanté par Diana Damrau (réserver des places), et Olympie de Spontini dirigé par Jérémie Rhorer et chanté par Karina Gauvin, Kate Aldrich et Charles Castronovo (réserver des places).
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