Davide Penitente et Requiem, de Mozart et de Caractères à Versailles
Les caractères complémentaires de Mozart sont au programme du concert ce soir avec deux œuvres religieuses de Mozart à la puissance toute dramatique, deux formes de Messes à l'expressivité intensément lyrique : l'oratorio Davide Penitente (qui est en fait une adaptation italienne d'après l'Ancien Testament de la musique de la Messe en ut mineur de Mozart) et son Requiem (Messe des morts). Les Nouveaux Caractères (nom de l'ensemble dirigé par Sébastien d'Hérin) déploient la dualité de caractères inscrite dans chacune de ces œuvres : une religiosité dramaturgique, un intense recueillement, une intériorité presqu'exubérante, fougueuse en tout cas. Les accords orchestraux (sur instruments d'époques) sont denses et surgissent en puissants accents, coups d'archets tels des coups de foudre. Les timbales grondent avec précision (à l'image de cette acoustique chapelaine, large et nette à la fois). Trompettes et trombones résonnent et glissent avec une précision huilée (remarquable de justesse, sachant combien les cuivres anciens peuvent être rétifs). Le public habitué de ces concerts baroques et de cet ensemble reconnaît même immédiatement le premier contrebassiste, et ceux qui le découvrent commentent inévitablement son agitation : le corps, les pieds sautent comme son archet.
Ces caractères de recueillement mais aussi d'intensité ont certes tendance à disparaître au fur et à mesure du Requiem de Mozart lorsque Sébastien D’hérin accélère le tempo à l'extrême, les instrumentistes s'accrochant à leurs pupitres, les choristes à leurs syllabes. Ils parviennent pourtant à élancer de grands accents animés, articulant avec intensité. Les mouvements s'enchaînent, sans transition et de fait sans déperdition d'énergie.
Les caractères sont aussi extrêmement riches dans les parties vocales. Les deux solistes féminines ont beau être soprano et mezzo, la première œuvre au programme (Davide Penitente) demande d'elles des voix de soprano 1 et 2. Les deux doivent descendre dans des graves profonds et monter dans des vocalises (celles de la soprano 2 rappelant furieusement la Reine de la nuit, plus grave certes).
La première soprano, Caroline Mutel, glisse vers l'aigu par un vibrato large, trémulant. Le timbre est toutefois accroché et sert de fil rouge, notamment dans les mouvements diaboliques qui ne sont qu'une longue vocalise. Le phrasé reste sculpté, la voix s'y centre et s'y recentre encore davantage, tout en gardant son vibrato, dans le Requiem de Mozart. Elle s'échange des notes avec la mezzo Blandine Staskiewicz, celle-ci n’hésitant pas à les déployer avec la grande force de son impressionnant volume (sonore autant que déséquilibrant de fait le duo). Ce volume est l'aboutissement d'une projection et d'une ligne amplement timbrées.
Cyrille Dubois multiplie les différents effets vocaux au fil d'une série d’interventions formant un crescendo, de volume et d'intentions. Si le phrasé est toujours animé (à l'image du corps du chanteur se mouvant constamment de côté et en hauteur), il commence par un volume inaudible, alternant voix blanche et quelques accents. Le reflux qui définit toutes ses lignes empêche l'intelligibilité du texte ou des mélodies, mais il s'élève vers une douce voix mixte et se déploie ensuite par accents successifs, réitérés, marqués. Le ténor glisse sur les vocalises (qu'il accompagne toutes de mouvements de tête et de torsions de bouche). La voix droite est tenue, puis vibrée par une montée râpeuse, continuant son élan vers un son trompetant par un soutien resserré (jusqu'au suraigu tendu). Dans la seconde œuvre au programme, la voix installée, Cyrille Dubois atteint ce mariage d'appui et de tendresse, de douceur et de douleur gravé par Mozart mourant, dans la partition du Requiem.
À l'inverse, la basse Jérôme Varnier pose immédiatement sa voix longue et grave, son assise intensément riche, en rejoignant les solistes dans le Requiem. Chaque note est sonore, servant de support aux harmonies du quatuor, servant de soutien vers une projection aiguë tonique.
Les crescendi nourris et soutenus, marquetés d'accents à travers les pupitres vocaux et instrumentaux, unissent sous une direction fougueuse ces deux œuvres de Mozart et réunissent le public dans de très chaleureux applaudissements pour tous les artistes.