Requiem de Fauré scolaire à La Seine Musicale par la Maîtrise des Hauts-de-Seine
En
cette approche de Noël, les concerts de musique sacrée fleurissent déjà,
comme en témoigne ce programme proposé à La Seine Musicale avec
les voix de la Maîtrise des Hauts-de-Seine placées sous la direction de leur chef Gaël Darchen (qui porte ce
projet depuis 25 ans maintenant). D’un côté, la Messe
Brève de Léo Delibes, pièce sacrée relativement sobre dans l’écriture et
destinée aux voix d’enfants. D’un autre côté, le Requiem
de Fauré, œuvre
d’une ferveur profonde écrite « pour le plaisir » entre 1887
et 1901 et pour laquelle les jeunes femmes de la Maîtrise sont
rejointes par un effectif d’hommes plus matures. Pour l’occasion,
les deux opus ne sont pas accompagnés par une formation orchestrale
mais à l’orgue par Baptiste-Florian Marle-Ouvrard. Celui-ci
donne la tonalité du concert avec en ouverture une courte pièce,
Priez pour paix
(1938), interprété assez librement dans un style préludé digne
d’une improvisation.
L’effectif féminin de la Maîtrise des Hauts-de-Seine et leur chef rejoignent le devant de scène pour introduire le Kyrie de la Messe brève de Delibes. La discipline de l’effectif marque rapidement les esprits. Tous les yeux sont rivés sur le chef. Les attaques sont d’une précision tout à fait honorable, les « ky » impérieux et saisis d’un même élan. Les nuances sont soutenues avec précision et captent particulièrement l’attention lorsque réalisées subitement des forte aux piani. L’écriture du compositeur étant comprise dans un registre assez modéré, les voix font sonner sans grand effort apparent des médiums enveloppés et des aigus satinés, vigoureux dans le Gloria, plus ductile dans le Sanctus. Avec des « r » non roulés, la diction se fait assez franche et soignée, aussi bien en latin (le Miserere) qu’en français (les Litanies à la Vierge Noire de Poulenc, véritable prière attaquée avec une tonalité joliment narrative).
Si la rigueur presqu’excessive de l’effectif apporte un ton scolaire et une ambiance d’audition de classe de chant peu gênants pour l’œuvre relativement légère qu’est la Messe Brève, elle devient fâcheuse pour le Requiem de Fauré. Le Kyrie, le Sanctus comme l’Agnus Dei sont particulièrement incarnés avec intention et inventivité dans le chant mais la partition reste dans l’ensemble soumise à un cadre trop strict. La rythmique, le phrasé, les nuances manquent de souffle et de respiration, de telle sorte que si l’œuvre est rendue avec fidélité (malgré les inexactitudes en justesse des jeunes solistes mobilisés), celle-ci ne vibre pas dans toute son intensité. Il faut attendre le Libera me (titre de circonstance !) pour que l’ensemble trouve une densité nouvelle dans l’interprétation, et qui se solde par des applaudissements jusqu’alors restés absents. Face à eux, Gaël Darchen assure une direction pédagogique et figurative. Le regard partagé entre l’effectif vocal et l’organiste, il privilégie la clarté d’exécution aux fioritures, mais au risque de ne laisser entendre qu’une idée globale de l’œuvre laissant de côté la richesse des détails.
Organiste de répertoire habitué à l’interprétation de transcriptions et à l’accompagnement de films muets, Baptiste-Florian Marle-Ouvrard se montre véritable couteau suisse pendant le concert. Alternant jeu des mains et des pieds avec le changement des jeux et la lecture des pages qu’il tourne entre deux accords, il affirme une patte accompagnatrice vivement appréciée. L’interprète suit attentivement la fluctuation des voix qu’il porte avec une richesse de timbre modulée par les différentes sonorités de son instrument et l’amplification de celui-ci aux quatre coins de la scène.
C’est donc naturellement que les interprètes reviennent au Libera me du Requiem de Fauré en bis dans une nouvelle parenthèse exutoire.