Haydn intime à la Cité Musicale de Metz
Les habitués de l’acoustique de la Grande Salle de l’Arsenal ne sont pas déçus par le choix de la plus petite Salle de l’Esplanade pour ce récital intimiste. Proche du public par les dimensions réduites de la salle, Chantal Santon-Jeffery l’est aussi par sa capacité à véhiculer le sens de chaque air choisi avec son assurance vocale et un jeu de scène.
Elle intervient même, à la fin du récital, pour préparer les pupitres de deux solistes supplémentaires, le violoniste Lucien Pagnon et la violoncelliste Lucile Perrin, qui contribuent plus tard dans la soirée au dernier programme du temps fort avec le Concert de la Loge. La soprano présente enfin avec enthousiasme les Scottish songs, en rappelant furtivement que la première d’entre elles, On a bank of flowers, fait singulièrement songer par son sujet au bouleversement #metoo.
Haydn polyglotte est ici magnifié par quelques-uns des Deutsche Lieder, cinq des Canzonettas, les Scottish songs sur des poèmes en anglais, et la cantate Arianna a Naxos pour l’italien, entrecoupées par le pianoforte et la dextérité de Florent Albrecht avec (entre autres) des Variations en ut majeur d’après la Symphonie la Surprise.
Suivant les traces des pérégrinations géographiques et musicales du compositeur, Chantal Santon-Jeffery installe d’emblée des aigus souples et veloutés sur Das strickende Mädchen (La Jeune fille au tricot). Cette assurance sur les aigus caractérisée dès la langue allemande trouvent, dans Arianna a Naxos, une coloration dorée sur l’italien, des montées sur les cimes de la tessiture qui rendent les élans d’Ariane avant de fendre l’air dans le récitatif et d’éclater sur l’aria. La soprano développe sur cette cantate une expressivité opératique, dont le texte justifie l’abondance. Le travail sur le souffle est plein, la puissance du coffre ravageuse sur les interrogations d’Ariane.
Avant les Scottish songs, la Canzonetta Fidelity achève la première partie du récital en écho à Ariane. Les vers « For in the world or in the tomb/ My heart is fix’d on thee » (Car dans le monde ou dans la tombe,/Mon cœur se fixe sur toi) concluent le poème, et si la forme de l’air est plus légère, la montée vers les aigus, passionnés et chaleureux, poursuit les colorations lyriques de la cantate.
Capable de quitter les hauteurs de la tessiture, la soprano descend dans d’harmonieux mediums. Les changements de rythme ne posent aucune difficulté, pas plus que le changement d’expressivité. Ainsi la supplique comique de Ein sehr gewöhnliche Geschichte (Une histoire très ordinaire) sort-elle renforcée par la légèreté du timbre et les couleurs du pianoforte (l'ancêtre du piano), mais aussi par le jeu du regard. Ce dernier se perd au loin, avant la mine boudeuse et enfantine.
À l’assise vocale et scénique s’ajoute la diction dans toutes les langues, qui dispense le public de suivre le texte sur le programme.
Le récital s’achève sur les ovations d'une assistance charmée du voyage, impressionnée par la technique et la proximité de la soprano avec son auditoire.