Requiem de Verdi : l’esprit milanais souffle sur l’Arsenal de Metz
La Messa da Requiem avec sa succession de fougue et d’éclat est ici exécuté avec souplesse et une grande justesse malgré un tempo quelque peu rapide sur la fin du premier Dies Irae par l’Orchestre national de Metz. Sous l’égide de Scott Yoo, qui récite lui aussi les paroles de l’œuvre et pointe du doigt les solistes instrumentistes, l’orchestre suit l’œuvre avec précision et des couleurs de circonstance. Les unissons de cuivres s’apparentent presque à un orgue sur le Liber scriptus, le solo de clarinette est lumineux, violoncelles et contrebasses vibrent, les trompettes du Tuba Mirum résonnent depuis les hauteurs du paradis de la Grande Salle.
L’acoustique renommée de cette dernière accentue l’effet de déluge et d’effondrement du Dies Irae et met en valeur les timbres du Chœur de l’Orchestre de Paris. Préparé par Lionel Sow, il alterne chuchotements et emportements dans une diction optimale. Il en va de même pour les solistes, confirmant combien cette acoustique sied infiniment plus à ces mêmes musiciens qui interprétaient la même œuvre l'avant-veille dans la Cathédrale des Invalides. Ce Requiem a beau être une messe, il n'en demeure pas moins re-nommé un opéra en soutane.
Chaque tessiture sait ici mettre en valeur sa partie et sa diction. Teodora Gheorghiu projette immédiatement avec puissance ses aigus de soprano, passe en voix de poitrine avec aisance et fait face aux accélérations rythmiques du Libera me final sans difficulté, à l’exception d’une petite mesure où l’aigu perd soudainement de sa puissance, vite récupérée. La mezzo-soprano Valentine Lemercier est efficace, créant dans les passages conjoints avec Teodora Gheorghiu une ligne mélodique modelée sur les graves fermes et bien tenus. Ne manque à sa prestation qu’un soupçon de chaleur.
Florian Laconi modère la fougue du ténor au service d’un Ingemisco (Je gémis) caressant, ponctué de trilles éclatants. Pour les passages emportés, le coffre, puissant, ne verse pas dans le travers de l’excessivité, mais s’applique au contraire à rendre grâce au texte. La basse Jérôme Varnier déploie un timbre caverneux à souhait pour l’effroi du Mors stupebit. Les graves conservent une tenue qui contraste avec des aigus manquant de justesse et un timbre parfois couvert par l’orchestre.
Le public, espérant un rappel, n'en est pas tout à fait pour ses frais. Malgré -et suite à- la déferlante d’applaudissements et de bravi, Scott Yoo s’empare d’un violon et exécute les premières mesures de la berceuse Guten Abend, Gute Nacht de Brahms, signalant la fin de la représentation.