C'est baroque ! Haendel à Stockholm, épisode I - Acis et Galatée
Quand les maisons d'opéra suédoises ferment pour l'été, les souris continuent à danser au rythme de la musique baroque : l'Orphée de Georg Philipp Telemann est monté au Château de Vadstena, et à la périphérie de la capitale, le Théâtre de Drottningholm programme l'Ariodante de Georg Friedrich Haendel et le théâtre nommé « Confidencen » offre une mise en scène d'Acis et Galatée du même compositeur (lire l'argument de l'oeuvre), opéra en langue anglaise confié à la Danoise Tine Topsøe. Elle narre l'intrigue à travers les quatre saisons, qui se réalisent par le « changement à vue » des beaux décors du théâtre, qui date de 1753. Les costumes d'Anna Kjellsdotter évoquent ce même siècle, et leur variété de couleurs bleues-vertes fait allusion à la verdure printanière du premier et du dernier tableau, ainsi qu'au ruisseau qui est la nouvelle existence d'Acis, métamorphosé après sa mort. Si ce cadre, contemporain de l'époque du compositeur, minimise le côté mythologique (Acis se dédie à l'escrime plutôt qu'à ses tâches de berger) il inspire en même temps une direction d'acteurs qui dynamise les répétitions imposées par la forme musicale.
À part les quatre personnages Acis, Galatée, Polyphème et Damon, la distribution comprend aussi un chœur de solistes rythmiquement bien coordonné, formé par Jenny Ohlson Akre, Mathilda Sidén Silfver, Arash Azarbad et Jihan Shin. Cependant, une articulation plus claire du texte aurait aidé à préciser leurs nouvelles fonctions dramatiques, vue la mise en scène et leurs costumes invariants, ainsi que les rôles multiples qu'ils doivent assumer.
Jihan Shin interprète aussi le berger Damon, ami d'Acis, un rôle secondaire qu'il rend plus important en déployant avec sûreté son ténor clair. En Acis, Hyojong Kim fait usage d'une voix de ténor plus sombre mais équilibrée. S'il paraît un peu maladroit face au jeu et chant en combinaison, cela se contrebalance plus tard, dans ses duos ou lorsqu'il a l'occasion de faire briller son haut registre. Son amante Galatée est incarnée par la soprano suédoise Ylva Stenberg. Conformément à l'idée de la mise en scène, selon laquelle son personnage revit la perte de son amant, son timbre rond, dont le registre moyen-haut résonne très bien, est d'emblée teinté par le chagrin. Toutefois, c'est surtout après l'entracte qu'elle parvient à peaufiner son expression vocale en termes de dynamique et que son deuil se transmet enfin aux cœurs du public. Staffan Liljas assume le rôle de Polyphème, qui n'intervient vocalement qu'à l'acte II, mais qui assombrit toutefois l'opéra dès le début par sa présence initiale et ses gestes, qui semblent décider de la vie et de la mort. Son articulation et sa caractérisation vocale du texte compensent l'effort qu'il doit faire pour mener (avec succès) sa basse assez lourde dans les fioritures rapides.
Une douzaine d'instrumentistes, certains utilisant des instruments d'époque, forme le Confidencen Opera & Music Festival Orchestra qui obéit au chef Olof Boman. Ses choix de tempi pertinents permettent même à une oreille novice d'apprécier le gazouillement orchestral ou l'ondulation légère accompagnant les sentiments pastoraux ou marins. Certes, sont perfectibles la précision des bois ou l'éventail dynamique, qui bénéficie principalement des variations d'amplitude qui sont déjà inscrites dans la partition (dans son orchestration variable). Or, l'opéra est un art vivant et chaque représentation signifie une nouvelle occasion de faire connaissance avec l'œuvre, et cela vaut autant pour les spectateurs que pour les artistes.