Valeureux Jeunes talents du Festival d’Art lyrique de Salon-de-Provence
Aux dimensions modestes, le Festival d’art lyrique de Salon, animé par Jacques Bertrand, s’articule autour d’un opéra (représenté une seule fois) avec en ouverture une soirée consacrée aux jeunes « talents lyriques ». Cette année, c’est l’éternelle Traviata montée par une troupe italienne qui précède un concert de « mélodies immortelles ». La première soirée permettait d’assister à l’éclosion de jeunes chanteurs « issus principalement des conservatoires de la région » et de jeter par conséquent un premier regard sur le niveau régional de l’art lyrique tout en ayant la garantie d’émotions et de surprises les plus variées.
La petite cour centrale dite Renaissance du Château de l’Empéri offre un cadre idéal pour une telle prestation. L’acoustique agréable se joint aux conditions en extérieur d’un festival à la provençale : sous un ciel sans nuage et bercé par une légère brise, le plateau serti de plantes et de fleurs attend ses solistes. Le public est réparti en L avec un petit parterre où sont placées quelques célébrités.
Le pianiste Sylvain Souret (aidé de Laura Tonini) issu des conservatoires de Miramas et d’Aix-en-Provence, et des classes de chant à Paris mène une carrière de chef de chant en Turquie et maintenant Avignon. Les espoirs lyriques qu’il a sélectionnés pour cette soirée incarnent différents types de voix masculines : le baryton Laurent Arcaro et le ténor Valentin Thill, et féminines : la mezzo-soprano Christine Craipeau et les sopranos Julie-Anne Moutongo-Black et Émilie Bernou, cette dernière colorature. Ils se succèdent en interprétant un programme varié de tubes, avec quelques raretés composées par Tchaïkovski ou Haydn.
Le piano quart de queue (le festival se privant malheureusement d’un piano de concert) comme le jeu du pianiste accompagnateur manquent, par moment, de cette passion aux dimensions orchestrales propulsant les chanteurs dans les grands airs du répertoire. Le jeune ténor Valentin Thill impressionne par ses potentialités : son air d’Eugène Onéguine est sobre, investi, avec une belle diction. Sa présence ressort dans les duos comme « Au fond du temple saint » des Pêcheurs de Perles de Bizet ou La Traviata (qu’il chante sans recourir à la partition au contraire de certains autres).
La « valse de Juliette » de Gounod ou l’air de Haydn interprétés par Émilie Bernou sont emprunts de précision, de musicalité. La voix, qui au départ semble disposer d'un timbre suranné –comme au pays des mélodies chantées dans l’intimité du salon– s’affirme peu à peu par son homogénéité, les graves et les aigus s’enroulant avec aisance. Au même niveau se situe Christine Craipeau dont le magnifique timbre de mezzo fait vibrer Le Trouvère, par l'air de la gitane Azucena de l’acte II, et dans l’irrésistible « Mon cœur s’ouvre à ta voix » de Samson et Dalila –pour lequel plus d’articulation aurait été apprécié– ainsi que dans la Barcarolle des Contes d’Hoffman.
Le baryton Laurent Arcaro et la soprano Julie-Anne Moutongo-Black offrent de bons moments, le premier par son entrain et ses facéties sur la scène, la seconde dont le type de voix se conjugue à la prestance scénique. Cependant, la ligne n’est pas encore aboutie, la séguédille de Carmen n’est pas prise « à bras le corps » et de multiples détails relatifs au vibrato, à la rigueur rythmique, au placement de la voix, émaillent des airs virtuoses tels que Tandredi de Rossini. Arcaro, au physique engagé, gagnerait en fermeté vocale et en précision, comme pour les paroles de la chanson Granada. Sa prestation bouche fermée en Papageno du quintette de La Flûte Enchantée de Mozart est expressive de la première à la dernière note, pour le grand bonheur de l’auditoire.
Le public, enchanté par « Brindisi » de la Traviata et la célèbre chanson napolitaine O sole mio, applaudit avec chaleur et, sous les injonctions du chanteur Dave au premier rang aux côtés de Michel Drucker, il envoie un message d’amour à ces valeureux espoirs dans une standing ovation.