Light Motiv par l'Ensemble Mångata à la Chapelle du Luxembourg
"Mångata, mot suédois intraduisible désignant le chemin infini créé par le reflet de la lune sur l’eau"
Ce sont ces sensations et cet esprit que convoque une nouvelle fois ce chœur de voix féminines, au Temple situé près des Jardins du Luxembourg à Paris. Le parcours à travers les couleurs et les langues hongroise, française, latine, espagnole mêle le sacré et le traditionnel (japonais et yoruba) comme les César : le compositeur belge César Franck, le russe César Cui, le vénézuélien César Carrillo.
Un programme à l'image de son chef Hernán Alcalá né au Venezuela, formé en France et en Hongrie, qui marque dès le début et tout au long du concert par une direction à la fois limpide et très expressive dans la battue comme les intentions, respirante et inspirée (à l'image de la pianiste accompagnatrice Aurélie Courtot). En écho et en harmonie avec sa technique et sa musicalité, l'assistance savoure ostensiblement l'esprit et l'humour pince-sans-rire avec lequel le chef présente les morceaux au programme dans un esprit bienveillant et didactique : à la fois très préparé et spontané, comme son travail musical (lorsqu'un enfant dans le public chantonne la note que le chef donne avant l'un des morceaux, il lui adresse un très affectueux "un peu trop bas").
Les pièces au programme ont été choisies pour les riches couleurs qu'elles permettent de déployer. Souvent, sans doute en raison de l'effectif même qui a la particularité d'être entièrement féminin et invite ainsi à jouer d'abord à voix égale puis à explorer la richesse des différences entre les tessitures, les chanteuses commencent ensemble -voire à l'unisson- avant de progressivement explorer les registres plus graves et plus aigus. Les tuilages et les échos se font ainsi comme naturellement accords, toujours placés et très justes même lorsque les tempi et les volumes croissent (la richesse du répertoire propose des messes latines aux allures de comédie musicale, des aurores boréales mélancoliques norvégo-états-uniennes, des rondes envoûtantes comme des phrasés entremêlés).
Côté sentiers musicaux rebattus, "Tundra" d'Ola Gjeilo ressemble certes à une longue citation de Counting Crows par Colorblind, elle-même rappelant les sempiternelles mélopées décoratives sur deux accords arpégés. Cela étant, avec le morceau suivant (Stars d'Ēriks Ešenvalds), les chanteuses s'accompagnent en jouant de verres à pied, sur lesquels elles font tourner leurs doigts. Les verres ayant été méticuleusement accordés (avec même une petite seringue à eau et en anticipant la quantité probable d'évaporation du liquide au fil du concert), la justesse n'est pas du tout au doigt mouillé.
Toutefois, lorsque la richesse des accords ne s'installe pas progressivement mais s'impose dès le début d'un morceau, l'harmonie -et les voix individuelles- restent incertaines dans la justesse, entraînant une fébrilité dans les conduites de voix et vibratos. Les grands crescendi affirment alors le volume et quelque peu l'assise mais l'accord est tiré, écrêté en harmoniques. Certaines voix plus rondes et assurées que d'autres parviennent cependant à nourrir le médium de l'ensemble, sans pour autant ressortir du son commun (parce qu'elles se font peu remarquer, elles sont donc remarquables).
L'Ensemble Mångata qui était la tête d'affiche du dernier Cap Ferret Music Festival vient d'enregistrer ce programme dans un disque qui sortira prochainement.