Victor Torres et Alphonse Cemin, un Lundi musical en intimité et obscurité à l’Athénée
Produit par Le Balcon, qui organise actuellement in loco son premier festival (événement inauguré par Jakob Lenz), ce Lundi musical met Victor Torres à l’affiche. Depuis sa dernière et unique production à l’Opéra de Paris en 1995 (Enrico Ashton pour Lucia di Lammermoor), le chanteur argentin s’est rarement présenté dans la capitale française et reste donc méconnu du public parisien. De ce fait, il n’a pas attiré une foule d’admirateurs dans la grande salle du théâtre de l'Athénée-Louis Jouvet, mais l'atmosphère intimiste se prête au programme : deux compositeurs du siècle dernier et de pays parfois antagonistes mais sensibles, le britannique Benjamin Britten et l'argentin Carlos Lopez Buchardo.
Divisé en deux parties, le récital porte un caractère mélancolique et ténébreux. Torres relève l'exigeant défi des dissonances avec entrain et grâce à une préparation méticuleuse dans l'articulation (particulièrement remarquée en français). La tonalité lui permet de manœuvrer les passages entre les registres contrastants, toujours en conservant la précision rythmique et d'intonation, tout en soulignant les détails comme ces ornements si caractéristiques de la musique pastorale irlandaise, ainsi que la riche diversité des timbres. La couleur sombre et ronde de la voix du baryton correspond bien à l’atmosphère générale, surtout dans le registre grave où il peut s’exprimer aisément. En revanche, il se heurte à des difficultés d’intonation dans les aigus, particulièrement dans la tentative de tenir une note qui dépasse le cadre de sa tessiture. L'assurance va cependant crescendo, notamment sur la nuance piano et le dosage vocal (jusqu'au long phrasé Au clair de la lune espagnole extrait de Cinco canciones transposé en mode mineur et qui reflète la tristesse de Pierrot comme d'un Paillasse). Cemin tisse des accords qui rappellent une harpe, l'accompagnement délicat est attentif. La collaboration piano-chant est synchronisée dans ses départs, conclusions et même changements de tempi sans qu'il ne leur soit même nécessaire d'échanger des regards.
Le concert s’achève dans une atmosphère toujours intime et chaleureuse avec un petit discours de remerciements du chanteur, suivi de trois bis dont « Je ne pourrai jamais vivre sans toi » de -et en hommage à- Michel Legrand. Son interprétation pleine d’empathie émeut les auditeurs qui saluent les artistes par des ovations.