Le Concert de la Loge redevient Olympique le temps d'un soir à l’Arsenal de Metz
En 2015, Julien Chauvin reprend le nom et ressuscite Le Concert de la Loge Olympique, avec son répertoire et sur instruments d'époque. C'était sans compter sur un intervenant insoupçonné : le Comité national olympique et sportif français. Bien que fondée en 1972 (deux siècles après Le Concert de la Loge Olympique !), l'association réunissant les fédérations sportives françaises revendique le monopole du terme "Olympique" et menace de poursuites l'ensemble musical (contraint dès 2016 d'écourter son nom ou comme le présente son logo, d'écrire : le Concert de la Loge Olympique). Nul avocat ne saura pourtant empêcher ce nouveau concert Olympique car il revendique un hommage à la phalange musicale originelle.
Soucieux de reconstituer l’ambiance fin XVIIIème du Concert de la Loge Olympique, l’ensemble et Julien Chauvin opèrent un savant mélange de musique symphonique et d’airs d’opéras, comme il était courant à l’époque. Commandée à Haydn, la Symphonie 87 en La majeur est ici entrecoupée d’airs peu connus d’Antonio Sacchini ou de Jean-Baptiste Lemoyne, dont Phèdre sera donnée le 24 mars prochain, même ensemble, même lieu. Poussant plus avant encore la reconstitution d'une ambiance d'époque, Julien Chauvin invite le public à remettre au goût du jour la coutume du XVIIIème siècle qui consistait à applaudir sans hésiter, y compris pendant l’exécution des morceaux. La Quatrième symphonie concertante pour flûte, hautbois, basson et cor en Fa majeur de François Devienne, joute musicale entre les quatre instruments, devient ainsi un concours entre les quatre solistes. Le public ne parvient pas à départager les instrumentistes tant les applaudissements et ovations se succèdent avec la même intensité. Le concert participatif porte en outre une visée pédagogique, le chef expliquant que des élèves de Première littéraire du lycée Fabert, institution locale, travaillent autour des Symphonies parisiennes : leurs textes ciselés inspirés par l’œuvre sont ainsi lus en préambule de chaque mouvement par des élèves. Julien Chauvin dirige l'ensemble de son siège et de son violon avec une énergie communicative, notamment dans les cordes bouillonnantes. L’implication des instrumentistes et leur plaisir de jouer se lisent autant sur les visages que sur l’utilisation des instruments.
Communiquant elle aussi son implication, la soprano Sophie Karthäuser est chargée d’exprimer l’émotion et le désespoir des différents personnages qu’elle incarne, le temps des airs entrecoupant la symphonie. C’est à la fois au théâtre et à l’art lyrique que Sophie Karthäuser fait appel. Convoquant le corps et le regard autant que la voix, la soprano donne vie au texte et aux situations désespérées des personnages. Sans livret pour le public, les paroles égrenées se suivent pourtant avec l'aisance d'une diction claire et constante. La chanteuse travaille autant le timbre qu’elle s’appuie sur le souffle. Les passages qui pourraient la mettre en difficulté, telles les redoutables voyelles nasales chères au français, sont ici prolongés avec facilité quand la chanteuse devient la Chimène du Cid de Sacchini. Intimant la révocation d’une « injuste loi », le timbre se fait puissant alors qu’il était supplique. Les descentes vers les graves du personnage d’Eliane des Mariages Samnites d’André Grétry rehaussent la virtuosité des cordes du Concert de la Loge. Les aigus convoqués par la soprano transpercent l’air, fulgurants, et assurent à Sophie Karthäuser l’ovation unanime du public.
La Phèdre de Lemoyne est choisie pour le rappel, comme une invitation au prochain concert par sa scansion quasi nerveuse et des aigus déchirants : le trouble et l’effroi de la légendaire maudite avant l’arrivée d’Hippolyte.