Petit Faust à l’Odéon de Marseille
L’Odéon de Marseille, dont la programmation place l’opérette à l’honneur, met à l’affiche le Petit Faust, parodie du mythe de Goethe et des opéras qui en ont été tirés, par Louis-Auguste-Florimond Ronger dit Hervé. Si le livret souffre de quelques longueurs, la partition regorge d’airs, de chœur et d’ensembles fantaisistes à souhait et nullement dénués d’intérêt musical. Les jeux de mots et calembours, citations d’autres œuvres ou comiques de situation, parfois potaches, sont légion : cette opérette a tout pour plaire au fidèle public de l’Odéon, bien que la salle soit loin d’être pleine.
Le chanteur Jean-François Vinciguerra en signe une adaptation multipliant les gags, jouant de l’absurde et du comique de répétition (on ne verra jamais Dame Marthe qu’un postier cherche inlassablement durant tout le spectacle pour lui annoncer la mort de son mari). Il signe également une scénographie ingénieuse : un grand livre (Faust de Goethe) s’ouvre sur différents chapitres (après avoir été dépoussiéré), déployant à chaque fois un décor qui se déplie comme dans les livres pour enfant.
Karine Godefroy est un charmant Méphisto (Meph’ pour les intimes), à la voix fine ne s’appuyant pas assez sur ses résonateurs, mais gardant un timbre soyeux et délicatement vibré. Son phrasé semble dans une constante recherche esthétique et son jeu théâtral apporte beaucoup de vitalité à la troupe. Jacques Lemaire est le Doc’, c’est-à-dire Faust. La voix engorgée (et donc peu projetée) repose sur vibrato bien régulier. Cécile Galois campe une mutine Marguerite (qui fait son entrée dans un pot de fleurs). Sa voix puissante et structurée malgré un large vibrato est à l’aise dans les vocalises tyroliennes de la partition et déploie un médium voluptueux. Elle tend cependant parfois à privilégier le comique du phrasé à la musicalité de la ligne de chant. Jean-François Vinciguerra est un Valentin au fort pouvoir théâtral et comique, et à la voix surdimensionnée pour la salle. Le vibrato est si appuyé qu’il engendre quelques défauts de justesse. Le programme annonce « la participation exceptionnelle de Larina Filipievna, première ballerine du Théâtre Impérial de Manitogorsk » : facétie du baryton qui apparaît en tutu pour effectuer une danse pleine d’autodérision sur le ballet de l’acte II.
Carole Clin, Priscilla Beyrand, Lovénah L’Huillier et Perrine Cabassud chantent ensemble ou avec le chœur la majeure partie du temps. Enfin, Yvan Rebeyrol campe un « Siebel de Cadix » efféminé et Dominique Desmons le Pion et le Cocher, pour des interventions comiques sans parties chantées solistes.
Le Chœur Phocéen se montre très actif, mais peu synchronisé. En revanche, l’Orchestre du Théâtre de l’Odéon, dirigé par Bruno Membrey est très à l’écoute de la scène dont il suit les variations de tempo, gardant toujours l’allant nécessaire à ce genre musical.
Le public habitué salue le travail des artistes, sans pour autant les rappeler aussi souvent qu’à l’accoutumée.