Stabat Mater dolorosa par Katherine Watson et Jakub Józef Orliński au TCE
Ce concert unique était très attendu et la décision a été prise de le maintenir, bien que Katherine Watson soit annoncée souffrante, en lui ôtant un air de la première partie. Aux autres interprètes de s’adapter à sa voix fluette et peu audible, ainsi qu'aux aigus serrés lors de sa première intervention dans le Salve Regina de Haendel.
Le Concert de la Loge est continuellement à l’écoute, Julien Chauvin se rapprochant de la soliste, ajustant les nuances, les tenues, les phrasés, les tempi, le continuo, afin de ne pas couvrir et ne pas mettre en péril la soprano. Les violons par moment à l’unisson forment les harmoniques complémentaires de son timbre cristallin et pur fragilisé, l’orgue s’adapte à ses vocalises un peu ralenties et imprécises dans ce début de programme. Rassurée, elle est plus à son aise dans le Stabat Mater de Pergolèse, pièce majeure de ce concert. Elle se montre particulièrement convaincante dans les passages sotto voce (demi-voix) où les blanches écourtées précédent un silence pesant, évocation des sanglots retenus de la Vierge. Elle est mesurée dans son expressivité émise par des nuances subtiles et une grande souplesse de sa vocalité peu à peu retrouvée.
Jakub Józef Orliński recherche, pour sa part, avec élégance et délicatesse l’équilibre non seulement des duos pour ne pas couvrir la voix endolorie de la soprano mais aussi des solos afin de ne pas casser la texture sonore. L’aisance de son émission, le contrôle de la ligne mélodique et de la puissance, la vocalisation aisée, la richesse de couleurs sur l’ensemble de la tessiture apportent une complémentarité des timbres, dégageant une émotion progressive. Au fil des airs, les voix angéliques s’humanisent et emportent par leur sincérité. En résulte une interprétation intimiste et non maniérée, jouant sur deux ambiances en clair-obscure : une douce mélancolie assombrie alternant avec des airs gracieux et enjoués aux couleurs plus acidulées, dans un style galant propre à l’opéra napolitain de l’époque de Pergolèse, union de l’indicible douleur et de la paix retrouvée.
Le public finalement convaincu applaudit chaleureusement et avec enthousiasme. Orliński, la main sur le cœur, remercie et propose en bis une reprise du "Quando corpus morietur" du Stabat Mater. Puis, extrait d'Il Giustino de Vivaldi, "Vedro con mio diletto" (son succès viral), air de bravoure pleinement rôdé, où il déploie encore plus d’affects et d’effets, comme si, enfin, il pouvait s’exprimer sans retenue.