Lundis musicaux, Raquel Camarinha et Yoan Héreau : vive Monte Carlo à l'Athénée
La belle Rencontre d'un couple de jeunes artistes prometteurs et qui ont le vent en poupe (retrouvez notamment notre interview de la soprano à l'occasion de sa nomination aux Victoires de la Musique Classique et le compte-rendu d'un Concert de None au Collège des Bernardins avec Aedes), autour d'un sage programme. Sage mais exotique et voyageur, des Mille et Une Nuits persanes (Shéhérazade de Ravel sur des poèmes de Tristan Klingsor), Hindous (Quatre poèmes de Maurice Delage), vers la plume voyageuse de Baudelaire (Cinq poèmes par Claude Debussy) et un retour à Monte-Carlo avec Poulenc.
Yoan Héreau sait caractériser chaque compositeur, avec le lyrisme chatoyant de Ravel, la rythmique particulière de Delage, les élans non dénués d’ironie chez Poulenc et les textures chatoyantes de Debussy, tandis que Raquel Camarinha déploie une stratégie de "diseuse", de conteuse classique, harmonisant la prosodie mais uniformisant aussi quelque peu sa proposition artistique (considérée dans l'ensemble du récital).
La voix (soprano lyrico léger) est très plaisante, sombre et sonore, étendue, subtile dans les dynamiques. Elle réitère cependant un schéma musical consistant à rester mezzo piano puis forte dans le grave et le medium, avant d’attaquer piano ou pianissimo l’entrée de l’aigu. Des nuances indéniablement maîtrisées, mais similaires à travers les différentes contrées musicales traversées, l'Asie de Ravel et Delage, leurs sentiments émerveillés, mystérieux, épris ou nostalgiques. Des atmosphères qui sont cependant clarifiées et renforcées par une prononciation soignée, avec un parti pris de modernisation, qui fait renoncer aux r roulés, simplifie certaines voyelles (les â en a, les un en in) et occulte la réarticulation de rimes féminines ("la hanche légèrement ployé-e").
La Dame de Monte-Carlo, offrant à la chanteuse un personnage à incarner, semble faire enfin éclater le corset de sa splendide robe de pharaonne, de sa voix et de son aisance scénique qui permet à la palette expressive de se déployer (en écho sans doute à La Voix humaine, autre monologue de Poulenc, qui a en son temps déjà donné leurs premiers galons à ces deux jeunes artistes).
Les bis confirment la transformation avec un très expressif Kurt Weill (Je ne t’aime pas) et deux autres chansons inattendues, Dance me to the end of love (Leonard Cohen), susurrée d'une douce voix de poitrine légèrement assourdie, et Meu amor (fado d’Amália Rodrigues) avec une belle voix sombre méditerranéenne, déchirante et saluée par un public enthousiaste.