Enthousiasmant Nabucco par Daniele Rustioni à Lyon
L’Orchestre et le Chœur de l’Opéra de Lyon, en compagnie de leur chef permanent Daniele Rustioni, débutent leur tournée nationale non loin de leur maison, en occupant au grand complet la grande scène de l’Auditorium Maurice Ravel. Dès l’ouverture, la direction du chef italien séduit par son engagement, tant physique que musical, mettant en évidence tous les reliefs de plans sonores et de timbres. Même si la musique semble parfois manquer de l’homogénéité et de la puissance que Verdi acquerra dans sa maturité, Daniele Rustioni réussit constamment à y apporter l’énergie nécessaire pour que le génie du compositeur y brille déjà. Les musiciens de l’orchestre gardent précision d’ensemble et de clarté de jeu, malgré les écarts de justesse pour les unissons des vents –loin d’être problématiques. L'accompagnement des violoncelles touche au sublime lors de l’air de Nabucco "Vieni, o Levita" et le beau cor anglais répond à Abigaïlle lors de son air final "Su me… morente… esamine…". La trentaine d’artistes du chœur est renforcée d’une vingtaine de choristes supplémentaires pour former une phalange puissante qui ne perd rien de son excellence, notamment grâce à la préparation de Christoph Heil. Si les voix paraissent d’abord un rien couvertes par l’orchestre –qui a l'habitude de jouer dans la fosse–, les chaleureux applaudissements du public manifestent qu’il a fortement apprécié la beauté et l’homogénéité des timbres de l’ensemble.
La musique de Verdi requiert des solistes aux voix puissantes, appréciées dans cette distribution assurément dominée par Anna Pirozzi. La soprano interprète idéalement la terrifiante Abigaïlle, fausse fille de Nabucco qui, profitant de sa sénilité, lui vole la couronne. Sa technique vocale est si maîtrisée qu’elle paraît toujours naturelle, malgré les difficultés de la partition, impressionnant par ses multiples contre-ut, puissants ou filés selon l’intention. Son air « Ben io t'invenni, o fatal scritto! » est ainsi et très justement acclamé.
Dans le rôle de Nabucco, le baryton Leo Nucci était fort attendu, mais ayant renoncé pour raisons de santé, il est remplacé par Amartuvshin Enkhbat. Le chanteur paraît d’abord très concentré, quasi immobile, surtout lors des ensembles, jusqu’à ce que son personnage soit foudroyé par la colère divine après s’être proclamé dieu. Libéré de son rôle royal, il laisse l’aspect humain de son personnage et la rondeur de son timbre s’exprimer, parvenant à toucher son auditoire lors de son duo « Deh, perdona, deh, perdona » et récidive lors de son air « Dio di Giuda ».
Le Grand prêtre de Yahvé Zaccaria est interprété par la basse Riccardo Zanellato, qui montre très vite sa riche palette de timbres. Les aigus pourraient être plus sûrs et les graves plus profonds, mais il sait convaincre lors de son air « Come notte a sol fulgente ». Le charmant neveu du roi de Jérusalem, Ismaele, est chanté par le ténor Massimo Giordano, au timbre séduisant, clair et naturellement projeté. La véritable fille de Nabucco et convertie au judaïsme Fenena est confiée à la mezzo-soprano Enkelejda Shkoza, ses graves et sa belle technique vocale, malgré un vibrato très présent. Parmi les bien plus petits rôles, figurent la jeune et touchante Erika Baikoff pour Anna (la sœur de Zaccaria), le noble Martin Hässler en Grand prêtre de Baal et l’Abdallo de Grégoire Mour, qui manque malheureusement de puissance à côté de ses collègues.
Le public lyonnais, venu nombreux, ne manque pas de montrer son enthousiasme lors des saluts, toujours admiratif de l’excellence des musiciens de son opéra, assurément séduit par la fougue de Daniele Rustioni, impressionné par les solistes de cette distribution et une fois de plus conquis par le spectacle musical de Verdi.