Splendeur du Requiem de Mozart à l’Arsenal de Metz
Tant d’encre et de rumeurs ont coulé sur la composition du Requiem, inachevé par le maître, complété par Süßmayer, puis corrigé, retravaillé. Quels que soient les ajouts ou corrections successives, l’œuvre n’en reste pas moins l’un des plus émouvants moments musicaux qu’il soit donné d’entendre.
Précédant ce Requiem, The Unanswered Question de Charles Ives inscrit ce concert dans la thématique de la spiritualité, et en particulier, comme le rappelle David Reiland, de la question du sens de l’existence. Un savant jeu de correspondances se met en place. Les cordes, symbole de sagesse, la trompette solo, hors scène, qui pose l’interrogation, et l’ensemble de bois qui tente de répondre à la question par six réponses agitées, rendent une atmosphère tour à tour infiniment délicate sur les piani des cordes, et agitée sur les bois, sans effet de dissonance aucune, mais de confusion magnifiquement humaine face à la difficulté de la question.
Le Requiem annonce l'entrée du Chœur de l’Orchestre de Paris et de quatre solistes. La soprano Raquel Camarinha dispense des aigus purs sur l’Introït, qui ne rachètent malheureusement pas une diction latine incompréhensible. Elle achève l’excellent contrepoint débuté par la mezzo Delphine Haidan, la basse Frédéric Caton, et le ténor Sébastien Droy sur le Recordare en disposant d’une articulation plus intelligible, dont la qualité ressort davantage dans les mediums que dans les aigus. Le défaut d’articulation est relativement corrigé pour la Communion finale, dont les aigus à la projection forte sont cependant trop acides pour le texte (« Que la lumière éternelle luise pour eux »).
Delphine Haidan tire son épingle du jeu de solistes par une diction fine et une excellente tenue d’aigus qu’elle veloute et cuivre tour à tour, en bonne intelligence avec le texte. Seule ou intervenant dans les divers contrepoints, elle conserve une portée convaincante, sans entraver l’écoute des autres solistes. La « trompette éclatante » du Tuba mirum manque légèrement de retentissement dans le coffre de Frédéric Caton, qui dispose toutefois d’aigus particulièrement remarquables pour une voix de basse. Sébastien Droy dispense une solidité certaine dans les aigus, mais les voix masculines restent souvent couvertes par l’orchestre ou la soprano.
Le Chœur de l’Orchestre de Paris, légèrement couvert par l’orchestre pour l’Introït, excelle dans l’art du contrepoint et dans la précision redoutable de sa diction latine. Le détachement des syllabes, et le travail sur le souffle remarquable permettent la tenue prolongée sur "eleison" dans le Kyrie. La force du timbre est adéquate pour le « jour de colère » du Dies Irae. La supplique du Rex tremendae « Sauvez-moi, source de bonté » est sublimée par les aigus vibrants et satinés des sopranes. Certaines voix du chœur masculin se hissent au-dessus des autres pour le Confutatis, avant un Lacrimosa dont la justesse et la profondeur bouleversent. David Reiland, ayant ressenti comme le public le recueillement, la puissance vocale et la beauté globale de l’interprétation laisse un long temps de silence avant de reprendre la direction de l’Offertoire. Force et douceur se suivent pour l’Agnus Dei et son ultime "sempiternam" (éternel) à la sérénité absolue. La Communion finale s’achève dans un "Cum Sanctis" (Avec vos Saints) victorieux.
David Reiland ressent l’émotion du texte sans perdre en précision, même si certains passages sont particulièrement enlevés. La direction convoque tout le corps du chef, vertigineusement mobile, s’accroupissant, sautant presque dans les passages fougueux du Dies Irae, avant de s’inscrire dans une retenue éminemment adéquate dans les passages les plus doux et recueillis. Les altos et violons assurent une alliance subtile avec le chœur du Confutatis, les violoncelles soyeux apportent à l’Agnus Dei la sensibilité requise. Comme à la fin du Lacrimosa, les cuivres et percussions poursuivent leur rendu de solennité aux mesures médianes de la Communion.
Suivant l’ovation unanime, le chœur et l’orchestre offrent un Ave Verum Corpus autant et justement acclamé que le Requiem.