Les Ambassadeurs et Katherine Watson célèbrent l’opéra du Roi-Soleil à Metz
La Grande Salle de l’Arsenal et son acoustique de rêve constituent un écrin idéal pour cette plongée dans l’opéra de l’époque de Louis XIV. En alternant des pièces pour ensemble et des airs magnifiés par Katherine Watson, Les Ambassadeurs et leurs splendides instruments baroques proposent un programme établi autour de compositeurs connus et moins connus. À la fougueuse ouverture de l’Alcione de Marin Marais, dirigée par une battue tantôt souple, tantôt volontairement nerveuse d’Alexis Kossenko, succède l’Orphée de Louis de Lully, fils de Jean-Baptiste, et sa ritournelle du deuxième acte. Katherine Watson y incarne une Eurydice dont la toute première exclamation, un simple « Ah ! » pur et longuement tenu, semble contenir tout le texte à suivre, à savoir l’attente désespérée et le manque d’Orphée, jusqu’à un « hélas » soufflé en un soupir résolu.
Car la soprano s’empare de chaque texte et en véhicule tout le sens par son timbre. Ainsi la thématique de la vengeance, qui apparaît à plusieurs reprises dans le programme, est-elle exprimée par une adaptation logique. En Circé, mordante et fougueuse magicienne dans le prélude d'Henry Desmarest, elle s’arrête net entre courroux et regret et détache les syllabes du verbe « venger », tenant la dernière. Pour la version de 1712 de l’Idoménée d’André Campra, le « plaisir de la vengeance » offre à l’inverse une tessiture plus aiguë qui transmet bien l’« espoir des malheureux ». Plus tard, la version de 1731 de la même œuvre propose des graves bien ancrés et impressionnants pour une tessiture de soprano.
Un savant jeu de broderies vocales ponctue la Psyché de Lully, trilles et vibratos se mettant en place sur un timbre cuivré qui enrichit la beauté de l’italien du texte. La voix se fait alternativement ronde et flûtée sur Acis et Galatée, l’emphase porte le « soleil » et le « charme » de la Pythonisse du Télèphe de Campra.
Cependant, la diction de la soprano n’est pas toujours claire dans les accélérations rythmiques, et la voix se montre légèrement couverte face aux passages instrumentaux fougueux. Toutefois, le parallélisme des instruments et de la voix donne lieu à une polyphonie fine dans le Télèphe de Campra, où la flûte et le chant magnifient l’"harmonie" du texte ou dans le bis d’Idoménée (« Coulez ruisseaux ») avec l’ajout du violoncelle, qui, comme le rappelle Alexis Kossenko, commençait, au début du XVIIème siècle, à supplanter la basse et à devenir un instrument à part entière.
Les flûtes, allemandes ou à bec, apportent leur légèreté caractéristique et leur chant d’oiseau à juste dose au sein des Ambassadeurs. Les percussions de la Marche pour la Cérémonie des Turcs extraite du Bourgeois Gentilhomme de Lully dirigent, imposantes, tout le corps de la ligne mélodique à suivre et des autres instruments, sous l’enthousiasme général du public.