La dernière Création par Laurence Equilbey enthousiasme l’Auditorium de Lyon
Joseph Haydn (1732-1809) découvre avec admiration les oratorios de Georg Friedrich Haendel (1685-1759) lors de ses deux séjours en Angleterre (1791-1792 ; 1794-1795). Désireux de composer à son tour une grande œuvre sacrée, on lui présente un livret inspiré de la Genèse et d’un poème de John Milton, Paradise Lost, initialement destiné à Haendel mais dont le projet n’avait pu voir le jour. Ce livret est remanié par le Baron Gottfried van Swieten, diplomate et ami de Haydn, afin de le traduire en allemand et de l’adapter au goût du jour. La première représentation publique de l’œuvre, donnée le 19 mars 1799 au Burgtheater de Vienne, fut accueillie en triomphe, séduisant le public par ses évocations orchestrales imagées de la Nature et ses puissantes pages chorales. Un succès qui perdure encore aujourd’hui.
Après La Seine Musicale, Beaune, le Lincoln Center de New York, La Chaise-Dieu et la Côte-Saint-André, la tournée des festivals de La Création par Laurence Equilbey, son Chœur Accentus et son orchestre Insula Orchestra, prend fin avec celui d’Ambronay, qui s’invite à l’Auditorium de Lyon. Cette grande salle est sans doute un rien démesurée pour l’orchestre à la dimension classique (47 instrumentistes). Il faut le temps de l’introduction, Die Vorstellung des Chaos (La Représentation du Chaos), pour qu’il prenne ses repères : les cordes paraissent fragiles et les bois sont trop présents. L’équilibre entre l’orchestre et le chœur semble également perturbé. Toutefois, Laurence Equilbey se montre capable de retrouver une homogénéité dès le premier chœur. Malgré quelques petites imprécisions dans les pupitres de violons, l’orchestre fait entendre de belles couleurs, particulièrement majestueuses pour le lever de soleil et superbes lors de la course silencieuse de la lune à la pâle lueur. L’auditeur se souviendra des jolies mélodies du flûtiste Jocelyn Daubigney : son doux chant du rossignol (« Aus jedem Busch und Hain erschallt » - Air de Gabriel, n°15) et son paisible chant champêtre (« Auf grünen Matten weidet schon » - Récitatif de Raphaël, n°21).
Sous la direction de Laurence Equilbey, autoritaire, parfois sèche et d’autres fois bondissante, le Chœur Accentus se montre toujours compréhensible et très homogène. Cette agréable homogénéité se retrouve même visuellement, tous les chanteurs tenant leur partition à la même hauteur, même les sopranes connaissant la leur par cœur, quitte à faire illusion avec un porte-partition vide. Lors du début de la troisième partie, le chœur est situé au parterre, sous le premier balcon de l’Auditorium, apportant un effet très intéressant de spatialisation et de lointain lors du « Gesegnet sei des Herren Macht » (Bénie soit la puissance du Seigneur – n°28). Lorsqu’il se replace derrière l’orchestre, le gain de puissance visuel et auditif produit un effet réussi pour « Lobsinget alle Gott dem Herrn » (Chantez tous les louanges de notre Seigneur Dieu – n°28). On se souviendra également du frénétique et majestueux « Heil dir, o Gott, o Schöpfer, Heil! » (Gloire à toi, ô Dieu, ô créateur, gloire ! – n°28), sans oublier le superbe et grandiose chœur final avec quatuor de solistes.
Les parties solistes de l’ange Gabriel et d’Ève sont confiées à la rayonnante soprano Chiara Skerath. Son timbre clair et charmant est magnifié par sa présence scénique et vocale qui lui permet une belle maîtrise de nuances sans porter atteinte à sa projection justement dosée. On se souviendra de la fraîcheur bienvenue de son « Nun beut die Flur das frische grün » (Maintenant la campagne offre sa verte fraîcheur – n°8) et de son tendre et touchant duo avec Adam. Celui-ci, interprété par le baryton-basse Rafael Fingerlos, est assuré, convaincant et compréhensible en ange Raphaël, véritable conteur dont on apprécierait toutefois davantage de graves. Le ténor Martin Mitterrutzner, en ange Uriel, est convaincant dans les récitatifs, mais manque de puissance, sa voix paraissant lointaine dans cette grande salle.
Il ne faut pas longtemps pour que Laurence Equilbey cède à l’enthousiasme du public pour offrir en bis le chœur final, puissant et grandiose, telle la Création.