L'Ensemble Clément Janequin et la Renaissance à Vézelay
Histoire et musique sont parfois intimement liées. Ainsi en est-il de la Renaissance, où les incessantes guerres entre le roi de France, François Ier, et Charles Quint, à la tête du Saint-Empire Romain Germanique, pour la domination de l'espace politique européen, se prolongent d'une émulation dans la magnificence artistique. Les raffinements polyphoniques se font l'ambassade privilégiée du relais diplomatique de cette rivalité, rythmée par des cérémonies où chaque camp entend impressionner l'autre. Le foisonnement de l'écriture chorale de l'époque en témoigne, et c'est cette profusion que l'Ensemble Clément Janequin, qui fête cette année ses quarante ans, a voulu mettre en avant, en puisant dans le corpus de quatre compositeurs contemporains de ces luttes monarchiques : Clément Janequin, Cristóbald de Morales, Josquin Desprez et Claudin de Sermisy. Il reconstitue une célébration telle que ces rencontres politiques pouvait les ordonnancer. S'il n'est pas nécessairement spécialiste de ce répertoire, le public de l'église Saint-Jacques-le-Majeur peut s'immerger dans cet office, un peu monochrome peut-être pour qui n'en maîtrise pas tous les codes, faute entre autres d'une mise en perspective des sources profanes, qui certes auraient rompu l'enchantement muséographique.
Le Kyrie
d'ouverture, tiré de la Missa La bataille de Janequin, fait
entendre l'homogénéité de la texture vocale
d'ensemble, sans renier le cisèlement de l'écriture, ni son éclat,
que l'on retrouvera un peu plus tard dans le Sanctus, même si l'éméritat résonne parfois dans le
timbre de haute-contre de caractère de Dominique Visse. Le continuo
discret et efficace de Yoann Moulin à l'orgue positif supporte
l'intériorité de la lectio I du Sabbato sancto de
Morales, assurée par les trois voix graves du consort – le baryton
Vincent Bouchot et les deux basses, Marc Busnel et Renaud Delaigue.
La lisibilité accrue du texte et du sentiment, que ne démentira pas
un peu plus loin le motet Qui consolabatur, prime parfois sur
la technique contrapuntique, amorçant l'évolution ultérieure des
paradigmes liturgiques – et plus généralement musicaux. La
lumière du Gloria de la Missa De beata vergine de
Desprez offre une tribune au ténor Hugues Primard dans l'énoncé de
la ligne mélodique, dont les développements équilibrent pureté
décantée et science musicale. De Claudin de Sermisy, le Salve
Regina et le Credo de la Missa Ad placitum, avant
deux leçons du Sabbato
sancto (la première et la troisième) confirment la maîtrise
stylistique de l'ensemble français, sans artifice d'affect, quitte à
céder à la distance historique. C'est Cristóbald
de Morales qui referme le récital avec l'Agnus
Dei de la Missa
L'homme armé.
L'intensité de la page où s'harmonisent les tessitures ne comble
pas entièrement la légitime curiosité du néophyte qui aurait aimé
comparer avec le modèle thématique profane. Ces interrogations
n'empêchent pas cependant la satiété du public.