Éloge de la plante : l'opéra-jardin digital ensemence Royaumont
Ce "Carré Magique" est le nom donné à un ensemble de haut-parleurs semi-enterrés encerclant l’auditoire et l'immergeant dans une spatialisation de sons amplifiés et traités en temps réel par ordinateurs. Jean-Luc Hervé a composé un Éloge de la plante électro-acoustique, cultivant différentes qualités vocales d'une soprano (ici Jeanne Crousaud, diplômée du Conservatoire National de Paris en juin 2014 et ancienne membre de l’Atelier Lyrique de l’Opéra de Lyon) selon la configuration de ce Carré Magique et pour le Potager-Jardin de Royaumont dans lequel il est installé (Potager-Jardin inauguré en 2014, sur les dessins des paysagistes Astrid Verspieren et Philippe Simonnet afin d'offrir au traditionnel potager la liberté d'une régénération par le "réensemencement naturel propre à chaque plante"). Dans cet esprit, Jeanne Crousaud chemine avec le naturel d'une nymphe à travers les bosquets et les lignes parlées-chantées, égrainant les noms latins des plantes en présence, leurs descriptions et leurs propriétés. Ce cheminement et cette diversité (bien que strictement composés sur la partition et le logiciel) paraissent spontanés à l'image de cette voix, à l'image également de la visite qui précédait le concert : Justine Marin, cheffe-jardinier de la Fondation Royaumont, expliquant que ce jardin "mixed-borders" (mélangé à l'anglaise) entretient savamment la liberté des plantes, auxquelles le temps est laisser de monter en graine, se resemer, voyager.
Éloge de la plante avec Élise Chauvin et le Grame - Centre national de création musicale à Lyon :
Jean-Luc Hervé, le compositeur de cet Éloge, a pour ainsi dire poussé dans le Jardin de Royaumont : étudiant en 1990 pour la session de composition du Programme Voix Nouvelles (à ne pas confondre avec le Concours vocal Voix Nouvelles récemment ressuscité), il en était professeur de composition 10 ans plus tard. Son travail avec Gérard Grisey est évident dans le travail du timbre, ses recherches menées à l'Ircam dans le travail électro-acoustique, sa résidence à la villa Kujoyama de Kyoto dans sa sensibilité à la nature et l'installation dans l'environnement.
Le micro de la chanteuse et les haut-parleurs font ainsi un éloge de la plante grâce à un immense zoom auditif : les pop, chuintements, sifflements et souffles de la jardinière sont agrandis, étirés, démultipliés, figurant l'éclosion, l'arrosage ou le passage de la faune. Une véritable dynamique s'installe dans cette installation, à mesure que la partition va crescendo et accelerando (les sons spatialisés notamment tournoient de plus en plus vite, transformant le carré magique en piste d'envol). Le cheminement fascine, notamment les jeunes enfants présents, qui suivent dans une procession aussi touchante qu'irrésistible la chanteuse (comme Le Joueur de flûte dans le célèbre conte populaire).
Royaumont a décidément la main verte avec les mélomanes en herbe.