Tous les chemins mènent à Mozart et à la Basilique Saint-Denis
L’Orchestre de Chambre de Paris, l’un des effectifs de référence en Europe dans cette dimension, se produit chaque année au Festival de Saint-Denis. Il aborde avec son Directeur musical Douglas Boyd un large répertoire allant de la période baroque jusqu’à la création contemporaine. Ce soir la direction de cet ensemble est assurée par Rinaldo Alessandrini, très connu comme concertiste (clavecin, piano-forte et orgue), éminent interprète de Monteverdi et comme Directeur du Concerto Italiano avec lequel il se produit dans le monde entier.
Le Concerto pour clarinette ouvre la soirée, interprété par le jeune prodige français Raphaël Sévère. Celui-ci joua cette pièce lors de son premier concert en soliste en Chine le jour du 250ème anniversaire de la naissance de Mozart. Depuis, l’artiste collectionne les distinctions et les récompenses. Ce concerto, le dernier composé par Mozart en 1791, fut créé par son ami Anton Stadler, grand virtuose de la clarinette. L’œuvre est un condensé de toute l’expérience musicale du maître et doit sa popularité à son sublime adagio. La version proposée ici est un modèle d’équilibre et la fusion du soliste avec l’orchestre est parfaite. Au phrasé ciselé, à la dynamique délicate de l’orchestre répond la clarinette de Raphaël Sévère, veloutée, corsée, expressive et si proche de la voix humaine.
Lucy Crowe et deux hautboïstes s’installent à l’avant de l’orchestre pour le motet Exsultate, jubilate. Composé par un Mozart de dix-sept ans, ce motet était à l’origine pour un castrat soprano, Rauzzini, que Mozart avait entendu ébloui lors d’un séjour en Italie. L’orchestre, sous l’impulsion énergique du chef, soutient l’interprétation exclamative de la soprano. Cette extériorisation convient particulièrement bien à l’Exsultate, jubilate (réjouissez-vous, manifestez votre allégresse) du premier mouvement et à l’Amen final, véritable morceau de bravoure. La voix projetée et résonante dans les aigus change de timbre dans le médium un peu métallique et la chanteuse est obligée de poitriner fortement les passages dans le grave pour être audible dans l’immensité de la nef de la Basilique Saint-Denis. Le dialogue s’instaure entre la soprano et l’orchestre qui ne se contente pas d’un rôle d’accompagnateur. Saluons notamment la belle performance des deux hautboïstes, acteurs incontournables de ce dialogue.
Lucy Crowe est éblouissante dans les vocalises redoutables de l’opus, les modulant et les colorant avec aisance. Dans le court récitatif précédant le mouvement lent, son expressivité est mutine, rappelant Suzanne des Noces de Figaro, rôle abordé fréquemment par la soprano.
Le mouvement central, Tu virginum corona (Ô couronne des vierges), cœur émotionnel de la partition, est ici offert dans un tempo allant et une nuance soutenue. Quelques magnifiques notes chantées piano et quelques aigus filés ne suffisent pas à distiller toute la tendresse et l’émerveillement attendu. Les cadences chantées à l’octave supérieure éloignent le discours de la douce prière paisible. Avec un grand sourire, Lucy Crowe déploie les guirlandes de vocalises de l’Amen dans une grande jubilation jusqu’au contre-ut final exécuté sans sourciller.
La Symphonie n°39 qui clôt le concert est la première d’une trilogie de symphonies qui n’ont jamais été jouées du vivant de Mozart. Son originalité est due à la présence de clarinettes à la place des hautbois habituels, en point central du pupitre des bois. Ce pupitre exemplaire colore richement cette partition. Le chef impulse une énergie certaine, sans pour autant retrouver le phrasé travaillé et subtil du Concerto pour clarinette, mais touchant assurément le public, par une interprétation efficace et vigoureuse, chaleureusement applaudie.