Les Arts Florissants et Sandrine Piau enchantent la Philharmonie de Paris
La grande salle est comble pour accueillir le célèbre ensemble spécialisé dans la musique baroque, qui interprète ce soir un sommet de la période classique : Die Schöpfung (La Création) de Joseph Haydn. Sur un livret en allemand du Baron Gottfried van Swieten, inspiré à la fois de la Bible et du Paradis perdu de Milton, cet oratorio raconte la création du monde. Les trois solistes (soprano, ténor, basse) y incarnent respectivement les archanges Gabriel, Uriel et Raphaël dans les deux premières parties, puis Adam (basse) et Ève (soprano).
Après un Chaos introductif, le chœur, dans un pianissimo sublime, a cappella sur chaque début de phrase, susurre les premiers soubresauts de l’univers, jusqu’à un Licht ! foudroyant : et la lumière fut ! Les trois archanges vont alors se succéder pour raconter la création des éléments, des animaux, et finalement, l’homme.
La basse Alex Rosen, fraîchement diplômé de la célèbre Juilliard School, se fait immédiatement conteur, et c'est un grand bonheur que de l’écouter, tel un enfant émerveillé, nous raconter l’aventure de la Genèse. Il se sert très bien des consonnes, notamment des “r” roulés pour faire passer le texte, et va même jusqu'à imiter les sons de certains animaux, comme le bétail ou les abeilles. S’il manque parfois de timbre dans les aigus, il régale le public de magnifiques graves profonds (dont deux “fa” graves particulièrement impressionnants), dans lesquels il prend visiblement beaucoup de plaisir. Il lui faut cependant surveiller sa justesse, qui n’est pas toujours très précise.
Le jeune ténor britannique Hugo Hymas paraît un peu vert de prime abord, mais il montre un réel talent dans ce répertoire. Il semble en effet s’être spécialisé dans les répertoires baroques et classiques, et il y brille réellement, avec une voix puissante sans être poussée, une diction irréprochable, et un sens du style étonnant chez un musicien si jeune.
C'est avec son charme inimitable, et toujours son air légèrement espiègle que Sandrine Piau interprète très élégamment les airs de Gabriel, dans lesquels elle raconte la création de la végétation, mais surtout la naissance de l’amour chez les oiseaux. Parfaitement dans son élément dans cette partition, elle fait preuve de facilité et d’aisance.
Dans les trios, la soprano est parfois couverte par les voix de ses deux partenaires. En revanche, l’écoute est très belle, à la fois entre les trois chanteurs et entre le chef et les différents solistes. C'est un réel dialogue, une vraie complicité qui leur permettent une magnifique liberté.
William Christie dirige avec beaucoup de parcimonie, mais avec des gestes très intenses, très concentrés. C'est souvent avec son pied gauche qu'il appuie les grands moments ! La sonorité de son ensemble est toujours à la hauteur de sa réputation : l'orchestre est excellent et le chœur magnifique dans chacune de ses interventions. L’un des moments les plus magiques de la soirée est d’ailleurs dans la troisième partie, lorsque le chœur vient murmurer aux oreilles d’Adam et Ève dans leur premier duo.
Les Arts Florissants et les trois solistes permettent au public de se replonger dans ce magnifique oratorio, très poétique, plein de magie et de merveilles, et ils sont chaudement applaudis pour la belle soirée qu'ils viennent d’offrir.
#LIVE #CONCERT William Christie et @lesartsflo choeur et orchestre nous font vivre à la @philharmonie La Création de Haydn avec Ève (Sandrine Piau), Adam (Alex Rosen) et Uriel (Hugo Hymas). Photos : Charles d’Hérouville / Philharmonie pic.twitter.com/Gnf6ccgT2j
— Les Arts Florissants (@lesartsflo) 16 mai 2018