Monumentales Vêpres de Monteverdi en la Cathédrale Notre-Dame de Paris
En 1610, Claudio Monteverdi (1567-1643) est un compositeur déjà fort reconnu, occupant le poste de Maître de Chapelle à la cour du duc de Mantoue, Vincenzo de Gonzague. Vivant une période difficile, il cherche néanmoins à obtenir le prestigieux poste de Maître de Chapelle à la Basilique Saint-Marc de Venise. C’est certainement pour s’attirer les faveurs du Pape Paul V qu’il lui dédie les Vespro della Beata Vergine accompagnées d’une Messe à six voix In Illo Tempore, et éditées à Venise en 1610. Ce fut assurément un succès, Monteverdi obtenant le poste en 1613.
Les Vêpres de la Vierge ne peuvent effectivement laisser indifférent par la complexité de leur écriture, alliant traditions et modernité, somptuosité et tendresse. L’œuvre, véritable office religieux est constituée de 13 parties, axées autour de cinq Psaumes, pour terminer avec le Magnificat. S’il est certain que la date de création est un 25 mars, jour de l’Annonciation, l’incendie de la bibliothèque des Gonzague au milieu du XVIIe siècle empêche de connaître avec certitude son lieu, probablement à la Basilique Sainte Barbe de Mantoue en 1610.
Si les Vêpres sont composées pour Venise, elles trouvent toute leur place en l’impressionnante Cathédrale Notre-Dame de Paris. Dès l’Invitatoire, la Maîtrise Notre-Dame de Paris et l’Ensemble vocal des lieux font entendre une très belle homogénéité de son, ainsi que des effets de stéréophonie intéressants par leur disposition de part et d’autre de la scène. D’ailleurs, les tribunes de la Basilique Saint-Marc étaient un terrain de jeu et d’écriture semblable, dont Monteverdi se montre également ici un expert. Grâce à des tempi toujours justement choisis, les spectateurs sont capables de comprendre les beaux mélismes et la majorité du texte malgré l’acoustique très généreuse de l’immense espace qu’offre la cathédrale, sans que la musique ne perde en mouvement. La direction dynamique impulsée par Henri Chalet, aux gestes amples et souples, est assurément l’une des raisons de ce juste équilibre. Son extrême attention aux mots et à leur sens dans la phrase musicale est patente. Les intentions des chœurs, finement colorées et contrastées, sont donc toujours justifiées. C’est ainsi que se devine une préparation excellente (effectuée par Émilie Fleury). Le public retiendra certainement également le soin porté aux équilibres, notamment lorsqu’un soliste plane au-dessus d’un discret cantus firmus (mélodie première). L’un de ces moments est particulièrement saisissant avec l’ajout d’un écho –venant comme de nulle part et du lointain– au ténor soliste lors du victorieux Gloria Patri (Gloire au père) du Magnificat.
Les chanteurs sont accompagnés par un Orchestre formé d’élèves du CRR de Paris et des CNSMD de Paris et de Lyon. La Sonata sopra « Sancta Maria » (Sonate sur « Sainte Marie ») est pour eux l’occasion de montrer leur agilité, particulièrement les cordes et les cornets qui dialoguent. Le pupitre basses a quant à lui une fonction sans doute plus discrète mais pas moins belle et intéressante, notamment lors du Nigra sum (Je suis noire – Cantique des cantiques 1,4 ; 2,4 ; 2,11-12) pour soliste et basse continue, un procédé efficace et surtout très moderne pour ce début de XVIIe. L’acoustique n’est pas évidente, particulièrement pour les vents dont le son tourne facilement dans l’espace vide de ce haut édifice, néanmoins les attaques et fins de notes sont soignées afin d'éviter que la musique ne s’y noie.
C’est en se levant que le public salue cette belle interprétation de cette œuvre monumentale, sommet de la maîtrise stylistique de Monteverdi.