L'orgue de Notre-Dame de Paris souffle ses 150 bougies
Des compositions religieuses de Louis Vierne, Maurice Duruflé, mais aussi de compositeurs de notre temps, constituent le programme de cette soirée exceptionnelle à Notre-Dame de Paris, devant un auditoire important et concentré.
Notre-Dame de Paris accueille depuis plus de six siècles un grand orgue qui comporte encore, fait rarissime, des éléments de sa partie médiévale. Au 19ème siècle, il fut confié aux bons soins du facteur d’orgues français le plus important de son temps, Aristide Cavaillé-Coll. À l’actif de ce dernier comme créateur, aménageur ou restaurateur, on recense près de 500 instruments, du plus modeste au plus imposant comme celui de Notre Dame ou de l’Église de la Trinité, fief d’Olivier Messiaen. Ils se trouvent répartis dans le monde entier. Un hommage à ce grand maître a donc été organisé à Notre Dame, le temps de trois concerts successifs, dont celui, exceptionnel, du 13 mars. À la Maîtrise de la Cathédrale au grand complet dirigée par Henri Chalet, se joignent cinq des plus importants organistes actuels : Vincent Dubois, Olivier Latry (titulaire actuel des Grandes Orgues), Philippe Lefebvre au grand orgue, Yves Castagnet et Johann Vexo à l’orgue de chœur.
Deux compositions importantes de Louis Vierne ouvrent et ferment légitimement le concert : Cathédrales extrait des Pièces de Fantaisie au grand orgue et sa Messe solennelle pour grand orgue, orgue de chœur et chœur à quatre voix mixtes créée en 1901 à Saint-Sulpice (autre orgue Cavaillé-Coll), par Vierne lui-même et Charles-Marie Widor. Cette vaste pièce toute de majesté et de grandeur culmine sur un Kyrie qui allie simplicité expressive de la musique et des chœurs, clarté du sentiment et surtout sincérité en une période alors de forte tension entre l’État français et l’Église de France à la veille de la séparation. Louis Vierne, qui échappait aux chapelles musicales existantes, en premier lieu celle dévouée à César Franck, fut titulaire des Grandes Orgues de Notre-Dame durant presque 40 ans. C’est d’ailleurs à sa tribune que, victime d’une attaque un soir de concert en 1937, la mort vint le chercher. La Messe cum Jubilo de Maurice Duruflé (compositeur et organiste de Saint-Étienne-du-Mont), pour orgue de chœur et voix masculines complète ce superbe programme classique.
Yves Castagnet, titulaire de l’orgue de chœur de la Cathédrale, offre ensuite avec la Maîtrise Veni Sancte Spiritus, dont la fin en forme d’élévation spirituelle représente le moment fort. En création mondiale, Jean-Charles Gandrille propose non en latin mais en français, Éternel est son amour, pièce au sein de laquelle les deux orgues se répondent et qui s’avère particulièrement exigeante pour le chœur d’enfants notamment avec ses envolées vers l’aigu. Cet hymne à l’Éternel séduit par le message d’espérance qu’il transmet et par la science d’utilisation des voix. Pour grand orgue seul, Grégoire Rolland, le benjamin des compositeurs joués lors de cette soirée, proposait en première mondiale Illumina, morceau aux graves puissants et d’une rare complexité technique, mais très prenant, qui fait vibrer tout le corps. La Maîtrise de Notre-Dame de Paris est constituée du Chœur d’enfants et du Jeune Ensemble, deux phalanges animées par Émilie Fleury, du Chœur d’adultes et de l’Ensemble Vocal dont Henri Chalet, ancien assistant de Lionel Sow, est chef principal. La tenue de la Maîtrise est impressionnante, rayonnante, même dans les parties les plus difficiles. À noter, les excellentes interventions du baryton solo, Matthieu Walendzik. Quant aux organistes, chacun avec ses particularités ou ses préférences, ils offrent en ce soir de commémoration d’Aristide Cavaillé-Coll le meilleur d'eux-mêmes.