Oratorio de Noël et Messe de Minuit en l'Église Saint-Roch
Dominique Visse dirige le Café Zimmermann (ensemble de musique baroque) par les mouvements tour-à-tour souples et stricts du crayon à papier qu'il tient dans sa main droite, tantôt battant la mesure, tantôt donnant l'élan aux accents du continuo (qui restent pourtant très mesurés). L'orgue positif trône au milieu de l'autel, de l'ensemble, comme aux fondations de l'harmonie musicale, qui laisse beaucoup de place aux doux ornements de la flûte : preuve de la subtilité de cet effectif instrumental. Les souples passages pizzicato des violoncelles ponctuent cette harmonie avec le luth effleuré.
L'ensemble porte ainsi l'esprit à la fois sacré et populaire de ces œuvres, avec un chœur et trois solistes. David Tricou a d'abord travaillé dans le registre de ténor, ce chanteur devenu haute-contre soulève pourtant avec légèreté un volume mezzo piano. Tout en intensité contenue, le ténor Martial Pauliat est mieux placé mais moins intelligible. Le timbre métallique de la basse solo Renaud Delaigue se combine au léger air de sa voix vrombissante ainsi qu'à son visage fermé, menton levé, pour lui forger une belle stature de narrateur. Le trio de solistes ménage son plus bel effet pour la fin du concert, un lent, chaleureux et émouvant trio tournant sur l'orgue et le basson.
Le Chœur Aedes, très appliqué, propose une voix d'ensemble toujours portée et soutenue, tirant ses longs mouvements vocaux au fil de toute la phrase et jusqu'à ses résonances. Toutefois, le chœur ne présente pas son habituelle harmonie des équilibres (les sopranos notamment sont en-dehors avec un timbre âpre) et les chanteurs sont à la peine lors de leurs interventions solistes. La qualité de préparation reste pourtant aussi remarquable que pleinement audible : la justesse du placement rythmique et mélodique trouve même ses repères dans la prononciation du latin en vieux français (qui importe tant à Dominique Visse et aux "baroqueux", tenant d'une interprétation authentique). Si le travail de l'Ensemble Aedes s'entend, il se voit également et pas seulement sur scène. Il suffit en effet au spectateur attentif de tourner le regard et d'observer le chef de chœur Mathieu Romano, tapi dans un recoin du transept et qui mime les paroles avec la partition sur les genoux : preuve de son implication et relique du minutieux labeur préparatoire.
Le public ravi de la crèche au fond de l'Église et surtout du concert, jubile avec le bis de saison : Minuit chrétiens, c'est l'heure solennelle !