Gala Haendel de l'Académie Jaroussky à La Seine Musicale
L'inauguration de La Seine Musicale sur l'Île Seguin de Boulogne-Billancourt en avril dernier annonçait également le lancement en ces lieux de l'Académie Philippe Jaroussky (retrouvez notre compte-rendu du premier Gala de l'Académie : Jaroussky & Friends, ainsi que notre immersion dans ses Masterclasses).
Dès le début et tout au long de la soirée, Maître Jaroussky vient offrir à ses élèves (et au public) une démonstration de talents et d'intensité, tant sur les vocalises appuyées qu'au long des amples mouvements mélancoliques résonant avec l'orchestre. Ses cadences bouillonnantes parcourent le registre, à travers ses célèbres aigus mais aussi jusqu'à l'ancrage de poitrine. Ce modèle vocal est au diapason d'un corps expressif et dramatique, les positions enchaînées ayant la puissance contenue du spasme.
Portés par cette énergie et une bienveillance visible, les jeunes chanteurs de la "promotion Mozart", la première de l'Académie, vont alors défiler au long de la soirée.
Le corps bien droit depuis les pieds jusqu'à la taille dans sa robe à la forme et à la couleur d'une tulipe, la soprano Anara Khassenova déploie un investissement radieux, tournant des épaules en présentant sa voix légère et fruitée. Elle interprète le duo "Scherzando sul tuo volto" (tiré de Rinaldo) avec le contre-ténor Evann Loget-Raymond. Celui-ci offre une voix placée, assurée par la noble posture, un pied en avant et le buste légèrement tourné. L'autre contre-ténor, William Shelton construit un timbre davantage soyeux mais beaucoup moins sonore. Toutefois, cette modestie va de paire avec sa noble application inspirée et mesurée, le tout convenant supérieurement à la langue anglaise pour "To thee, thou glorious son of worth" (Theodora).
Entre alors la soprano Clarisse Dalles, qui offre déjà une voix remarquablement en place. L'accroche du medium vibrant est puissante, charnelle et riche en harmoniques. D'autant qu'elle sait adoucir ce timbre placé et construire une vraie différence complémentaire entre le récitatif "E pur cosi in un giorno" et l'air "Piangerò la sorte mia" (Jules César). Il lui reste à assouplir les sauts d'intervalles et à homogénéiser le soutien à travers les nuances, mais cette artiste a déjà sa place sur les scènes lyriques.
Ce gala est l'occasion de découvrir des voix, mais aussi de redécouvrir des opéras composés par Haendel. La mezzo-soprano Julie-Anne Moutongo Black présente ainsi un air de Partenope, "Un'altra volta ancor". Pleinement investie dans son interprétation, la merveilleuse jeune artiste n'en est encore qu'au tout début de son apprentissage vocal. Cette Académie lui sera donc fort précieuse, notamment pour élargir au reste de la tessiture l'accroche qu'elle trouve sur quelques notes du medium aigu. De mêmes encouragements doivent être adressés à Manon Lamaison et Louis de Lavignière, avec les mêmes félicitations pour avoir osé présenter sans trembler des voix encore très jeunes et frêles devant une salle comble. Chez la soprano, c'est la douceur qui devra permettre d'alléger les ornements en sortant la voix de la gorge. Quant au baryton, un répertoire bien moins rapide et léger permettra sans doute de repérer un timbre prometteur.
Les chanteurs sont accompagnés par l'Ensemble Artaserse, réunis autour de Philippe Jaroussky au fil de ses rencontres musicales. Les musiciens qui accompagnaient si bien Jaroussky dans son récent Händel album (retrouvez-en notre compte-rendu) sont d'abord méconnaissables, tant ils jouent faux. Heureusement, l'énergie rythmique est présente, notamment grâce à leur disposition stéréophonique : bien qu'en demi-cercle, ils font en fait dialoguer les cordes à Jardin et le continuo à Cour. Cet investissement associé à l'envie d'accompagner au mieux les voix permet à la phalange de retrouver quelques repères au fil de la soirée.
Finalement, Philippe Jaroussky distribue en personne les fleurs aux musiciens, avant que les jeunes têtes blondes de la Maîtrise ne viennent remettre des bouquets aux chanteurs, le tout sous les bravi du public, avant le chœur final de Theodora pour bis.