Natalie Dessay à Tours : la nostalgie d'un souffle automnal
Fin sourire mutin, Natalie Dessay entre en papillonnant sur scène et sous les applaudissements d'un public conquis d'avance, mais dont elle saura mériter l'excellent accueil. Une main sur le piano, l'autre sur la hanche, elle déploie le souffle délicat d'une voix précieuse et riche, célébrant Les Noces de Figaro vespérales. C'est en effet un air d'opéra, "Deh vieni, non tardar" de Susanna qui sert de prologue à un concert de mélodies romantiques allemandes (Lieder). Natalie Dessay incarnera (seulement) un autre personnage durant la soirée : Pamina dans La Flûte enchantée avec "Ach, ich fühl's" et disons-le d'emblée, par ces deux seules arias et quel que soit l'intérêt de son interprétation des mélodies, la soprano donne désespérément envie de la revoir dans un opéra mis en scène, incarnant ces rôles redevenus à la mesure de sa voix dans un théâtre aux dimensions de Tours. L'auditoire retrouve la beauté de cette voix naturelle, que ses derniers projets avec microphone et amplification ne permettaient plus d'apprécier (retrouvez nos comptes-rendus de "Pictures of America" et "L'invitation au voyage").
Les qualités opératiques sont transportées vers les Lieder. Le chant est placé, pleinement audible, les ornements de la voix et de la main déploient une harmonie délicate. L'interprétation est à la fois précise et expressive, les bras se jettent ou se relèvent telle la figurine d'une boîte à musique, les épaules tressaillent, la tête offre des mouvements de danse indienne. D'autant que la chanteuse présente chaque groupe de mélodies par des explications aussi laconiques que fort amusantes (les romantiques ne parlent que de souffrance et d'extase, mais avec tant de génie). Schubert, Brahms et Mendelssohn offrent à Natalie Dessay l'obstination de drames, haletant, sonores. Courbée, ployée, elle sait filer d'immenses souffles de cristal. Dessay va chercher l'inspiration de ses lignes jusque dans le pavillon de la clarinette pour Le Pâtre sur le rocher. Le Printemps de Frühling roule sur un long r et tinte comme la rosée du ling.
Pour accompagner ces moments précieux, le pianiste Philippe Cassard est aussi appliqué que possible, attentif et penché sur son instrument avec juste ce qu'il faut de pédale pour exécuter des partitions déliées.
Natalie Dessay finit en triomphe après avoir partagé son plaisir de revenir enfin à Tours, nul doute que le public prépare une pétition pour la revoir, sur scène, dans un rôle d'opéra mozartien. Les deux bis proposés par les interprètes confirment, s'il en était besoin, cette évidence : l'air des bijoux de Marguerite (Faust de Gounod) "Ah ! je ris de me voir si belle en ce miroir" offre un investissement fascinant et réjouissant à la mesure de l'émouvant air de la mort de Lakmé, "Tu m'as donné le plus doux rêve".
Retrouvez ici notre interview exclusive avec Natalie Dessay !
Réservez vite vos places pour la voir au Théâtre des Champs-Élysées : le 10 Novembre 2017 avec Laurent Naouri, les 29 Mars et 30 Mars 2018 avec Michel Legrand.