Expérience poétique avec l’ensemble Céladon et Paulin Bündgen à Ambronay
Le Centre culturel et de rencontre d’Ambronay a à cœur le travail en partenariat avec d’autres centres, festivals et groupes de musiciens. Il coproduit ainsi avec le Grame-cncm ce concert avec le contre-ténor Paulin Bündgen et son ensemble de violes de gambe Céladon, au Théâtre de la Croix-Rousse, à Lyon. En mars 2016, ce concert fut déjà créé au Musée des Confluences, première occasion d’écouter No Time in Eternity, une œuvre du compositeur et musicologue Michael Nyman commandée expressément. Ce concert est de plus agrémenté de la scénographie éclairée de Félicie d’Estienne d’Orves.
Le consort song est un chant caractéristique de la musique anglaise de la fin du XVIe et du début du XVIIe siècle. La plupart du temps, la voix est accompagnée par un groupe de cinq violes, chacune ayant une partie distincte. William Byrd (1540-1623) est le compositeur dont l’œuvre est la plus représentative de ce genre. Le londonien Michael Nyman (né en 1944), d’abord musicologue et claveciniste, s’est toujours imprégné de la musique baroque anglaise, mais aussi des compositeurs minimalistes contemporains. À côté de ses collaborations cinématographiques (La Leçon de piano ou Meurtre dans un jardin anglais), il collabore également avec des ensembles ou des opéras.
L'Ensemble Céladon et Paulin Bündgen (© Michel Cavalca)
Par sa double inspiration musicale, il est tout choisi pour la commande d’une œuvre d’un consort song, afin de rendre un peu plus concrète « l’évidente passerelle artistique entre musique de la Renaissance et musique contemporaine anglaise » [Paulin Bündgen]. Le programme de ce soir mélange donc des œuvres de Michael Nyman et des œuvres de Nathaniel Patrick (1569-1595), John Bennet (ca. 1575-1614), William Byrd, Picforth ( ?-1580), Richard Farrant (1525-1580) et Christopher Tye (1500-1571).
Sur un fond d’éclipse solaire quasi hypnotique, les six musiciens sont éclairés de façons subtilement différentes selon les œuvres. Par trois fois dans la soirée, comme une pause poétique, l’éclairage se fait plus violent à l'aide de dix néons de lumière blanche disposés sur la scène, l’éclairant autant que les spectateurs. La voix enregistrée d’Alizée Bingöllü récite des textes de Gilles Pastor, inspirés de la Tempête de Shakespeare.
Le son des violes est riche de la chaleur des cordes frottées graves, comme le violoncelle, mais possède en plus une intimité et une douceur très agréable. Les doux accents et beaux phrasés colorés des musiciens de l’ensemble Céladon ne gâchent en rien cette appréciation. Ils ont beau jouer sur instruments d’époque, grâce à un accord fréquent ils ne font jamais défaut de justesse. Malgré des œuvres polyphoniques au contrepoint rythmique complexe, leur écoute est parfaite, ainsi que leur homogénéité de son. Capables de changer de taille de viole et d’anticiper n’importe quel changement de tempo, ces instrumentistes sont à l’aise autant dans les œuvres renaissance que pour les compositions minimalistes de Nyman, qui se mêlent sans heurts.
L'Ensemble Céladon et Paulin Bündgen (© Michel Cavalca)
Mêlant parfois son timbre à ceux de l’ensemble, la voix de Paulin Bündgen semble souvent planer au-dessus du reste. L’acoustique d’une salle de théâtre est idéale pour la voix parlée et permet une certaine proximité du comédien avec le spectateur. Pour la musique, particulièrement la voix chantée, c’est l’inverse qui se produit. Pour pallier la sécheresse de la salle, le contre-ténor s’aide de la sonorisation afin de gagner en réverbération, au risque d’enrober alors certains phrasés ou défauts de justesse. S’aidant parfois de sa battue, il reste toujours en rythme, malgré les nombreux pièges des partitions. Les intentions musicales ne sont toutefois pas évidentes, en particulier dans les œuvres de Nyman, donnant au public davantage l’impression d’entendre des études d’intonation.
En raison de la mauvaise acoustique et/ou des œuvres, la transmission musicale ne se fait pas. Théoriquement amplifiées par la scénographie, elle aussi minimaliste, et les textes aériens de la voix off, les intentions sont beaucoup moins évidentes dans la pratique. Le programme n’en informant pas davantage, l’expérience poétique se veut alors certainement personnelle, comme les œuvres contemporaines cherchent souvent à l’être.