Le Requiem de Mozart en ballet équestre de Bartabas à La Seine Musicale
Du noir et du silence absolu s'élèvent tout en douceur les voix incertaines des 150 choristes de La Maîtrise des Hauts-de-Seine, tandis que la lumière caresse un cheval, tournant sur place, dans un sens puis dans l'autre avant de galoper en cercle. Bien plus précis que la masse chorale, Les Musiciens du Louvre de Marc Minkowski déploient leurs accents et leur chaleur instrumentale, bâtissant avec finesse l'édifice musical de Mozart.
© Julien Benhamou
Sur le mot Requiem exactement, entre une procession de six chevaux blancs, portant les corps désincarnés de femmes qui vont progressivement s'éveiller à la vie. Deux écuyers, bourreaux à capuche pointue (du Ku Klux Klan, mais en noir) mènent cette procession, rappelant que de nombreuses cultures attribuent au cheval la mission de porter les âmes dans l'au-delà. Pour leur dernier cortège, ils transportent des squelettes d'ange, clairement inspirés du Día de los Muertos (le carnaval de la fête des morts mexicaine). Ce sont les chevaux qui mènent véritablement la danse. Ils semblent guider leurs cavaliers et la fosse. Il suffit d'admirer les traces laissées par les danseurs hippiques dans le sable pour y voir la marque de leur ballet aux parfaites géométries. Les chevaux se croisent et s'entremêlent en cercles et en lignes, se collant flanc à flanc, se couchant, repartant au triple galop.
© Julien Benhamou
La solution de facilité (si souvent employée pour ce type de grand spectacle) aurait été d'utiliser une bande-son, pour s'assurer d'un accompagnement qui ne varie jamais (et qui coûte beaucoup moins cher). Bien au contraire, ce sont de véritables artistes qui en accompagnent d'autres. La musique est certes amplifiée, mais les microphones sont employés avec un tact exemplaire, ne trahissant leur présence que sur des articulations et consonnes percussives trop audibles pour la Grande Seine Musicale.
Les solistes offrent leurs voix riches et harmonieuses. Anthea Pichanick enchante et impressionne, avec la largeur enrobante de sa voix de contralto vibrée, vibrante. Le ténor tonique Fabio Trümpy colore ses intervalles et donne toute la nostalgie assurée de ses interventions. La basse Callum Thorpe impressionne par la longueur de sa voix, ne faisant qu'une bouchée des longes phrases du Tuba mirum. Ana Maria Labin est à l'aise dans l'aigu de soprano, mais aussi dans son grave. Au point qu'elle semble éviter le médium, passant rapidement vers des notes prises par au-dessus ou par en-dessous.
© Julien Benhamou
12 enfants rejoignent même la piste dans des ronds de lumière. Les micros transmettent leurs douces voix, bien moins sonores et poétiques toutefois que les pas amplifiés des sabots trottant dans le sable, se faufilant à travers le groupe.
Hélas, le spectacle ne se termine pas sur cette belle image. Marc Minkowski monte sur la piste pour diriger les cavaliers qui chantent eux-même un passage choral de voix blanches absolument fausses, sans aucun rythme ni soutien, rappelant le dicton : « À chacun son métier. »
© Julien Benhamou