Salomé, Femme Fatale ouvre le 24ème Verbier Festival
En entrant dans la Salle des Combins le soir du vendredi 21 juillet, une partie du public est sans doute surprise de voir un effectif d'environ 100 instrumentistes sur scène, la plupart d'une prime jeunesse. L'Orchestre du Verbier Festival créé par le chef James Levine en l'an 2000 est en effet une initiative conçue pour exposer certains des meilleurs talents émergeant du monde à certains des plus grands chefs. La cinquantaine de jeunes musiciens de l'Académie du Verbier Festival représente environ 29 pays du monde entier et sont choisis sur auditions parmi plus de 900 jeunes artistes attirés par cet événement international. Le chef de cette Salomé d'ouverture et de cette jeune phalange n'est nul autre que leur directeur musical depuis 2009, Charles Dutoit.
Andrew Staples et Gun-Brit Barkmin - Salomé (© Aline Paley)
Au fur et à mesure que l'opéra se déploie, le jeune ténor Andrew Staples fait entendre sa voix en Narraboth, avec pour page d'Hérodias la mezzo-soprano Idunnu Münch. Staples a une belle voix de ténor et transmet sa vitalité au jeune Narraboth. Münch dépeint un page d'une auguste stature et d'une agréable voix ronde. À l'âge de 23 ans, elle est déjà une interprète assurée et, comme son collègue, a encore du temps pour élargir sa voix aux dimensions d'une grande salle.
Idunnu Münch - Salomé (© Aline Paley)
Les rôles des premier et second soldats et plus tard les premier et second Nazaréens sont interprétés par Julien van Mellaerts et Pawel Konik. Les deux jeunes artistes assument leurs personnages avec des performances de qualité. Le rôle de van Mellaerts lui offre l'occasion de monter davantage d'expressions et de couleurs.
La voix d'Egils Silins en Jochanaan se fait d'abord entendre hors-scène, comme de coutume dans une version mise en scène de l'opéra. Sa voix est de classe mondiale, un vrai "Helden-Baryton" (héroïque), vaste et riche avec l'impact immédiat d'un timbre de commandement. Son chant est frais et vibrant tout au long de sa performance.
Egils Silins - Salomé de Strauss à Verbier (© Aline Paley)
La Salomé de Gun-Brit Barkmin s'incarne dès le moment où elle pose un pied sur scène, avec une allure presque féline, dans une longue robe noire et ses brillants reflets argentés. Elle ressemble à une star de cinéma muet de la période de Strauss, magnifiant son jeu par des yeux expressifs. La voix n'est pas celle d'une véritable soprano dramatique, mais les intentions dramatiques sont toutes présentes. Son interprétation dans cette version de concert donne diablement envie de la voir tenir le rôle dans une version scénique, avec sa danse des sept voiles.
Gun-Brit Barkmin - Salomé de Strauss (© Aline Paley)
Gerhard Siegels en Hérode et Jane Henschel en Hérodias sont des artistes de qualité internationale qui assument tous les aspects de leurs rôles. La voix de Siegels est toujours présente, bien articulée, claire et précise sur tout le registre avec des aigus tintant, d'une qualité supérieure. Son interprétation est vibrante, engagée et lustrée. Henschel, en tant qu'Hérodias, porte une robe noire couverte d'un grand manteau à l'apparence royale avec un sombre fond vert foncé, éclaboussé de rouge et d'or. Sa riche interprétation est multifacette, celle d'une reine vieillissante et déchirée entre les troubles d'une fille adolescente et d'un mari paranoïaque. Le rôle est plus souvent parlé que chanté, mais la cantatrice envoie quelques-unes des notes les plus impressionnantes de la soirée.
Gerhard Siegels et Gun-Brit Barkmin - Salomé de Strauss (© Aline Paley)
Rouwen Huther, Marcel Reijans, Mark Omvlee, Patrick Vogel et Alexander Vassiliev sont cinq excellents juifs dans leurs rôles. Tout à fait différents les uns des autres, physiquement aussi bien que vocalement, chacun d'eux s'exprime d'une manière individuelle mais tout en fonctionnant parfaitement comme un ensemble. Leurs voix retentissent dans le hall, créant une atmosphère de frénésie incontrôlée.
Le cappadocien du baryton-basse de 27 ans Jasper Leever tient davantage un rôle d'ensemble qu'une partie offrant de véritables possibilités vocales, mais il jouera aussi dans ce même Festival le Prince Grémine pour Eugène Onéguine de Tchaïkovski.
Charles Dutoit et l'Orchestre de Verbier (© Aline Paley)
Le chef à renommée mondiale, Charles Dutoit, donne une performance énergétique et attentive inspirant tous les musiciens au plus haut niveau de professionnalisme. De ses instrumentistes, il exige et obtient des couleurs, des nuances et qu'ils ne perdent jamais le lien avec des chanteurs, pour la plupart, sans partition, ce qui leur offre une bien plus grande liberté d'expression dans leurs rôles respectifs.
Très enthousiaste à la fin de l'opéra, le public réclame les artistes à plusieurs reprises pour les rappels, qui se muent en un grand moment d'émotion : il s'agissait de la dernière performance du maestro Dutoit en tant que Directeur Musical de l’Orchestre du Festival de Verbier et ses musiciens le saluent d'une grande bannière « MERCI CHARLES ».
© Aline Paley
Rendez-vous très prochainement pour un nouveau compte-rendu du Verbier Festival...