Une Messe en ut mineur de Mozart ordinaire au Festival de Beaune
En 1782, malgré le non-consentement de son père, Mozart envisage d’épouser Constance Weber. Cependant, celle-ci tombe gravement malade, puis guérit, permettant ainsi l’union avec le compositeur autrichien. Reconnaissant envers Dieu d’avoir permis la guérison et le mariage, Mozart écrit une Grand-messe en ut mineur. Influencé par sa récente découverte des grands maîtres de la fin du Baroque, Bach et Haendel, il compose une œuvre sacrée d’envergure dont la forme respecte les traditions baroques, avec aussi de nombreuses parties en imitations – canons ou fugues, en hommage à ces maîtres du contrepoint. Toutefois, le langage classique de Mozart se retrouve indéniablement dans les couleurs harmoniques. Cette Messe en ut mineur est malheureusement inachevée, l’Agnus Dei restant manquant et le Credo et le Sanctus étant reconstitués d’après les recherches de musicologues, Mozart ayant très certainement emprunté de ses précédentes messes. L’œuvre, puissante, requiert un effectif important : un double chœur, un quatuor de solistes – deux sopranos, un ténor et une basse –, et un grand orchestre.
Le Chœur Accentus (© Jean-Baptiste Millot)
Tout d’abord, en présentation de la soirée, c’est avec beaucoup d’émotions qu’Anne Blanchard, directrice artistique du festival, dédie ce concert à la mémoire d’Antoine Jaquet, directeur des Hospices de Beaune décédé en octobre 2016. Vient ensuite en introduction une œuvre méconnue de Mozart, Meistermusik ou Musique funèbre maçonnique. Cette courte pièce est la plus mémorable d’une série composée entre 1785 et 1791 pour les frères de loge de Mozart, admis dans la franc-maçonnerie en 1784. Meistermusik, pour orchestre et chœur d’homme, fut écrite pour l’accession d’August Carl von König au grade de grand maître de la loge viennoise « La véritable concorde ». Comme l’indique implicitement son titre, l’œuvre symbolise la métamorphose de celui qui quitte une vie pour s’engager dans une autre, terminant par un accord majeur : la victoire de la lumière sur les ténèbres.
Laurence Equilbey (© Julien Mignot)
Cette œuvre fait entendre quelques manques de précision dans les attaques des vents de l’Insula Orchestra, particulièrement entre les pupitres de hautbois et de cors. Le cantus firmus des hommes du Chœur Accentus, cette mélodie grave et sereine en valeurs longues, doublé par des bois un peu trop présents, est comme un tapis moelleux sur lequel les cordes évoluent avec expressivité, indépendamment. Le jeu sur instruments d’époque rend parfois difficile la justesse des bois, particulièrement ceux à anches dont certaines notes à l’unisson des cordes peuvent agresser l’oreille. La direction ferme de Laurence Equilbey est à la fois sèche et souple, sans superflus, très certainement efficace pour la direction de chœur, au risque de manquer de précision dans la direction d’orchestre. Celui-ci, malgré ses intentions de reliefs, ne réussit pas à produire de véritables contrastes. La vivante fugue terminant le Gloria en souffre et n’a pas l’énergie attendue. Peut-être les intentions des musiciens ne sont-elles pas tout à fait identiques : alors que la musicienne au premier violon économise parfois la longueur de ses coups d’archet avec un jeu léger et rebondi, d’autres jouent avec longueur et assurance. Le chœur réussit davantage à produire des contrastes, avec de beaux piani. Ses fins de phrases sont soignées, mais globalement le texte mériterait davantage de précision. Les femmes en manquent davantage que les hommes – plus homogènes –, particulièrement dans leurs phrases de vocalises aiguës.
La soprano norvégienne Mari Eriksmoen possède une clarté de timbre, d’un grave un peu faible mais agréable. Son Incarnatus, partie qui évoque la figure maternelle de Marie, est d’abord joli et tendre mais rapidement, sans doute par fatigue, les vocalises perdent en souplesse et en tendresse.
Mari Eriksmoen (© Sveinung Bjelland)
La voix de la soprano Sylvia Schwartz est très différente, mais leurs duos fonctionnent, étant complémentaires. La soprano espagnole, d’une présence plus sérieuse, fait preuve d’une voix colorée, poétique, et d’une belle technique, malgré quelques rares sauts trop appuyés, voire un rien agressifs.
Les voix d'hommes sont moins mises en valeur dans cette partition. Le ténor Cyrille Dubois possède une voix agréable, mais facilement couverte par l’orchestre, particulièrement ses graves que l’on n’entend pas. Il est plus assuré dans le Benedictus final. Le baryton Philippe Estèphe a sans doute le rôle soliste le plus ingrat de l’œuvre, ses interventions véritablement solistes étant courtes. Sa voix est elle aussi agréable, manquant toutefois de profondeur et de projection.
Cyrille Dubois (© DR)
En bis, le public a droit à nouveau au Benedictus final, qui réunit le quatuor de solistes, le chœur et l’orchestre. Comme souvent, les artistes chantant de manière plus libérée une fois le programme achevé, la musique se dote dans cette nouvelle version d’une plus intense énergie et l’équilibre y est parfait.