Henry Wagner, le Vampire sur le Balcon de l'Athénée
Le chef Maxime Pascal présente la soirée dédiée à Wagner et Pierre Henry. Ce compositeur contemporain (âgé de 89 ans), père de la musique concrète, travaille certes l'esthétique bruitiste pour concert de haut-parleurs, mais son œuvre est bien plus célèbre qu'on ne le croit, en atteste sa Messe pour le temps présent (1967) :
Dracula par Pierre Henry comporte à l'origine deux bandes sons, l'une bruitiste, l'autre wagnérienne. Mais c'est un Dracula revitalisé qui sortait ce soir de son cercueil à l'Athénée : un orchestre bien vivant interprétant en direct la deuxième piste audio, dans un effectif corsé de cuivres (2 cors, 2 tubas, 3 trombones, 3 trompettes) et 4 bois, devant un rang de percussions dont un piano à queue, mais également parsemé de six enceintes (et bien davantage dans la salle, pour les effets de spatialisation).
Le plateau est plongé dans un rouge sanglant, tandis que résonnent des cris, rires démoniaques et tempêtes terrifiantes. Les instruments les plus graves, dans leurs effets les plus sombres, montent des gammes mineures sur le sourd grondement d'un roulement de timbales. La soirée propose dès lors un fascinant blind-test wagnérien. Des leitmotivs se décomposent et se recomposent, bruissant au loin et s'approchant jusqu'à faire éclater le tonnerre de Bayreuth dans le Théâtre de 570 places.
Le climat s'apaise avec les cris de mouettes et de chauve-souris électroniques. Le chef dirige ses musiciens en ondulant comme les sinusoïdes des bandes enregistrées (qu'il déclenche également à l'aide d'une pédale de synthé).
Le deuxième mouvement se lance dans un rythme tonique obstiné (aux accents rappelant la musique de Béla Bartók, un compositeur qui est d'ailleurs né... en Transylvanie !). Des chants diphoniques grinçants s'apaisent à leur tour, par le contrepoint des oiseaux, grenouilles et chouettes.
Tristan et Isolde s'installent au coin de la cheminée (leur leitmotiv s'épanouissant sur un crépitement électro-acoustique) avant de partir dans des fusées spatiales, propulsées par les charges de Walkyries. Une chèvre cosmique terrifiée fuit la marche menaçante de Wagner le vampire. L'œuvre se conclut sur des lignes solistes, chaque instrumentiste déployant la longueur d'un souffle ou d'un archet sur un roulement de gong, de cymbale et de deejayridou.
Tandis que la musique s'achève, la lumière se rallume crescendo, jusqu'aux pleins feux. Un soleil qui éblouit le public et fait fuir le vampire dans son cercueil.
© Le Balcon