Mozart Akademie à Bruxelles avec Sabine Devieilhe et Raphaël Pichon : Prima la Musica !
La Monnaie de Bruxelles poursuit sa bataille contre le silence culturel avec un mois de février bien Mozartien en ligne. Le public belge (et international) avait eu la chance de pouvoir assister à une version streaming gratuite du récital Père-Fils Christoph et Julian Prégardien il y a peu. La (re)découverte de l’Opéra (quasi)-live se poursuit avec une œuvre rare. Il s’agit en effet ici de restituer, avec l’orchestre de la maison-mère sous la direction de Raphaël Pichon, la Symphonie Haffner. Cette Symphonie de Mozart, appelée en son temps Akademie, se compose des musiques de danses survoltées et vivantes du Carnaval de Vienne accompagnées d’un florilège d’arias les plus connues issues des fameux opéras/concerts du Maître. Au programme donc, La Symphonie Haffner n° 35 ou Akadémie, les 6 danses Allemandes, certains airs pour soprano et Orchestre, et des Arias de La Flûte enchantée, Zaide ou même un Schon lacht der holde Frühling qui rapproche déjà d’un futur printemps plus clément.
Portée par la soprano virtuose du répertoire Mozartien Sabine Devieilhe, Bruxelles et son glacial mois de février reçoivent les soins et premiers secours musicaux bien mérités, en une heure de temps. Le premier concert symphonique de l’an 2021 offert par La Monnaie sonne (espérons-le) le glas d’un silence et d’une époque de solitude amère bientôt révolue.
En effet, le choix des Akademies rappelle et réveille d'une manière unique la culture opératique, l’historique puissance des festivités et concerts publics offerts alors contre « petite entrée » par le compositeur aux habitants de Vienne en 1782-1783. Mozart se cherchait alors un nouveau public, tout comme La Monnaie de Bruxelles et ses murs fermés, pourtant prête à ouvrir la culture à tout un chacun, chez soi, moyennant une entrée presque symbolique à 6 euros.
« Qu’un calme serein se niche en mon âme ; qu’il n’y reste plus trace de crainte ou de fureur. »
Si le concert s’ouvre sur le subtil “Ridente la calma”, ce calme sera très vite troublé par la puissance des rythmes de bals et danses effrénées tant attendus. La fougue mozartienne est totale sous la direction de Raphaël Pichon, bien habitué à travailler en compagnie de la soprano avec son Ensemble Pygmalion (fondé en 2006).
Un extrait de « Der Hölle Rache » interprété par Sabine Devieilhe et l'Ensemble Pygmalion dirigé par Raphaël Pichon sur leur disque The Weber Sisters, une compilation d’œuvres vocales ayant vu le jour alors que Mozart fréquentait les sœurs Weber.
Le public bruxellois avait pu profiter, il y a deux ans de cela de la mémorable performance de Sabine Devieilhe en Reine de la Nuit pour La Flûte enchantée mise en scène par Romeo Castellucci (sous la direction d’Antonello Manacorda) : ici, l’épure d’une performance sans mise en scène offre une nouvelle acuité d’observation.
Sabine Devieilhe en Reine de la Nuit chante « O zittre nicht, mein lieber Sohn » dans Die Zauberflöte, avec la mise en scène de Romeo Castellucci, présentée à La Monnaie en 2018.
Ici et maintenant, pas d’applaudissement à l’arrivée de la soprano, juste le silence d’un temps immobile mais prêt à être chamboulé par les prodigieux tempi Mozartiens. Portée en musique par un orchestre symphonique de La Monnaie remonté à bloc, l’année 2021 semble placée sous le maître-mot de la Résilience. Mozart et sa jeunesse fougueuse trouve en la direction musicale de Raphaël Pichon une précision maîtresse, soulignée par le clair de voix de la soprano.
Si la musique doit primer, il semblerait ici que ce soit avec noblesse d’âme que la musique de Mozart relève le pari de s’offrir, même sur les pixels de nos écrans de fumée : laissant certes toujours regretter de ne pouvoir communiquer les bravi à la chanteuse et au corps d’orchestre, avec des applaudissements solitaires.
Pour prolonger et renouveler l’expérience, La Monnaie donne rendez-vous pour un nouvel opus Mozartien, sous la direction musicale d’Alain Altinoglu : Le Directeur de théâtre (Der Schauspieldirektor) en direct streaming le 19 février 2021 pour 10 euros (compte-rendu à suivre sur Ôlyrix).