Bouquet de Fleurs mélodieuses cueillies par Mélody Louledjian et Antoine Palloc
Les 50 premières pistes du disque sont les 50 Chantefleurs : 50 textes sur les fleurs, écrits par Robert Desnos et mis en musique par Jean Wiéner. Ces miniatures, dont la majorité fait moins d'une minute, sont toutefois autant de boutons musicaux qui éclosent en quelques mesures à peine (une trentaine de secondes au total pour plusieurs). Le bouquet est très riche et complémentaire comme il se doit en couleurs (légères ou vives, unies ou multicolores) et intensités, douces ou enivrantes.
La soprano Melody Louledjian distille son pistil vocal et déploie en corolles sa voix avec la richesse seyant à ce bouquet : plus ample et lyrique ou plus serrée et articulée, plus jazzy, piquante ou alanguie, toujours à l'envi et suivant les univers très divers et complémentaires du recueil. La chanteuse illustre ainsi dans leur richesse, les effluves et les allusions du texte (jeux de mots, d'esprit, argot, métaphores, portraits chinois, fleurs symbolisant des caractères, des événements). La voix paraît plus à son aise dans les caractères francs et dans les amples phrasés, notamment lyriques, rappelant son habitude des planches d'opéra. Ses appuis vocaux très sûrs gagnent toutefois en confiance dans les épisodes cabaret (que ces mélodies quoique courtes déploient grâce à leur propos concentré). Le chant assume ainsi jusqu'aux candeurs et franchises du propos (les différentes rimes qu'osent La Renoncule, d'autant qu'elle enchaîne dans un tout autre registre sur le royal Lilas, juste avant que La Violette ne mêle son odeur à celle d'un jambon de Parme... qui mène sur une tulipe rimant et embaumant avec une pipe). La chanteuse s'enivre (en conservant sa justesse) au fil de l'album, l'intensité gommant progressivement quelques manques d'appui dans des projections en cours de phrases.
Ces 50 mélodies récoltent encore un peu plus qu'une demi-centaine de fleurs différentes, certaines en faisant rimer et humer plusieurs à la fois (compensant les dernières dédiées au soleil et au coucou) et presque autant d'intentions vocales, offertes avec candeur et esprit, une articulation volontiers douce et diaphane de la voix comme du piano n'ôtant pas l'appui vocal ni digital : musical en somme.
L'appui est donc aussi celui du pianiste Antoine Palloc, qui guide certains morceaux en doux tuteur, compose la ligne d'autres comme le jardinier sculpte un roseau ou une tige, avec la lame franche de ses accords pour un résultat net et précis, mais d'une sève douce et épaisse, avant d'effleurer le clavier comme autant de pétales de fleurs.
Ce bouquet s'enrichit avec le Catalogue de fleurs composé par Darius Milhaud (7 autres fleurs viennent rejoindre la composition) et quatre mélodies un peu plus longues, comme pour distiller encore un peu les dernier parfums : Les Fleurs d'Erik Satie, Nature morte d'Arthur Honegger (1892-1955), Deux Ancolies de Lili Boulanger (1893-1918) et L'Ame des roses de René de Buxeuil (1881-1959).
De quoi s'enivrer de ces Fleurs musicales en attendant de pouvoir enfin les respirer en salles (alors que les fleuristes ont eu le droit de rouvrir et plus seulement pour vendre des sapins de Noël).