Grèves : des productions annulées dès 2021 pour combler le déficit à l'Opéra de Paris
Comme nous vous le relations dans notre suivi de ce conflit historique, depuis son début le 5 décembre dernier, la grève n'est pas terminée et l'institution doit combler un déficit qui atteint d'ores et déjà 16,5 millions d'euros (pour 76 représentations annulées). Les syndicats nous avaient expliqué qu'ils poursuivront les annulations de spectacle les jours de manifestation nationale, M. Lissner ajoute que les premières de chaque spectacle sont également menacées.
"Des économies drastiques", c'est ce que Stéphane Lissner a annoncé à ses employés et demandé aux 16 dirigeants des services de la maison. Les derniers arbitrages sont en cours (d'autant qu'ils seront à recalibrer selon les prochaines annulations de spectacles et lorsque l'étendue des manques à gagner pourra être précisément quantifiée), toutefois le Directeur annonce déjà deux "fortes diminutions", qui touchent deux dimensions vitales de la maison : les investissements et les nouvelles productions.
Le Directeur rappelle que l'État abonde seulement à hauteur d'1,5 million d'euros sur les 12 à 14 millions d'euros d'investissement réalisés par la maison lyrique (sur un budget global de 220 millions d'euros mais avec un fond de roulement qui a diminué ces dernières années). Des dépenses qui seront "fortement diminuées dans les années prochaines" indique-t-il à nouveau, sachant que le Directeur avait précisé que le budget ne serait pas réduit pour tout ce qui concerne la sécurité. Toutefois, les représentants des syndicats majoritaires, contactés par nos soins, dénonçaient toute mesure d'économie dans les investissements comme des décisions ayant nécessairement un impact sur la sécurité des personnels, étant donnée la vétusté des locaux, notamment à Bastille et à Garnier ("De grands travaux indispensables sont prévus depuis longtemps et n'ont toujours pas été faits, il pleut dans Bastille, les techniciens les plus âgés notamment -ceux qui seraient censés rester plus longtemps encore avec la réforme- sont inquiets sur des plateaux dangereux. Nous avons déjà connu trop d'accidents", nous affirment-ils).
Mais "le plus grave", dixit Stéphane Lissner, concerne les fortes décisions sur le plan artistique qu'il se dit contraint de prendre : l'annulation d'au moins trois nouvelles productions prévues à partir de 2021. Les annonces précises sur ce point seront attendues pour la fin de ce mois (février 2020), les nouvelles productions étant remplacées par des reprises de mises en scène déjà vues. Un important travail est en cours pour déterminer les modifications pouvant être apportées à la programmation. En effet, l'institution avait aussi annoncé qu'elle ne pourrait pas revenir sur les contrats signés. Or, les artistes ont forcément déjà été engagés pour la saison prochaine : il s'agira donc logiquement de trouver des œuvres disposant d'une distribution similaire, de reprendre une ancienne production de la même œuvre, de redistribuer les artistes engagés sur d'autres productions ou de ne pas confirmer des engagements encore non signés (les engagements sont souvent d'abord pris par oral), les problèmes majeurs touchant probablement les contrats signés avec les metteurs en scène, qui ont forcément déjà commencé à travailler et bloqué leur calendrier pour travailler à ces nouvelles productions. De surcroît, M. Lissner ne peut prendre d'engagement pour la saison 2021/2022 puisqu'il sera alors parti pour Naples, remplacé à Paris par Alexander Neef.
Quant à la question d'envisager une collaboration sur ces décisions entre l'actuel et le futur directeur, les relations semblent pour le moins tendues entre les deux hommes, M. Lissner ayant confié à Télérama que son successeur ne l'avait pas même contacté depuis le début de la grève.