À Genève, un Concours au long cours
Une Histoire Suisse
Les raisons de la longévité du Concours de Genève s’expliquent et se sont solidifiées dès les fondations de cette compétition. Elles sont liées à la rencontre d’une volonté, d’une période historique et d’un lieu, comme nous les retrace son Secrétaire Général Didier Schnorhk : “Le Concours, qui se nommait à l’origine Concours International d'Exécution Musicale, a commencé avant guerre, en 1939, sur une idée du Directeur du Conservatoire de Genève à l’époque, Henri Gagnebin. Il avait assisté au premier Concours Eugène Ysaÿe à Bruxelles en 1937 (compétition qui deviendra en 1951 le Concours Reine Elisabeth) et il avait été impressionné par le niveau des violonistes. Il s’était alors dit qu’il fallait proposer une telle initiative en Suisse, qui regorge également de musiciens talentueux et a vocation à en accueillir.” La situation particulière de la Suisse en cette période a d’ailleurs également contribué à la richesse artistique de ce Concours, devenu comme un havre dans un pays-refuge pour les musiciens, de tous instruments : “Pendant la Guerre, la Suisse ayant été épargnée des invasions et occupations, le Concours a pu continuer sur une base nationale, explique Didier Schnorhk. En 1946, c’était le seul concours à pouvoir continuer de s’organiser et accueillir des musiciens internationaux.”
Concours International et Interdisciplinaire
D’emblée, s’est décidée l’une des spécificités de ce concours, qui en fait justement encore et toujours la renommée et la pérennité : le fait de se consacrer à plusieurs instruments et au chant, et puis également à la composition, plutôt que de se focaliser sur une seule discipline. “C’était d’emblée un concours pluridisciplinaire, poursuit Didier Schnorhk. Cela a contribué à sa réputation, notamment aussi car des personnalités artistiques devenues incontournables l’ont remporté (à commencer par le pianiste Arturo Benedetti Michelangeli, tout premier lauréat). Notre palmarès n’a ainsi cessé de s’étoffer et de briller : nous comptons désormais plus de 800 lauréats. Nous avions fait récemment une rétrospective sur 15 années de concours de piano en réunissant tous les lauréats et chacun avait réussi sa carrière, à sa façon : certains sont devenus de grands solistes internationaux, ont créé des écoles, un festival, sont des célébrités chez eux, enseignent, etc. Pour tous, le concours a été un moment décisif pour prendre conscience de leur talent, le montrer et se réaliser. Nous leur donnons les moyens, les mises en garde, et ensuite, c’est à eux de jouer.”
L’histoire du concours est aussi celle de la vie musicale, et même au-delà. “Durant la guerre froide s’est ainsi posée la question d’accueillir ou non des candidats et des jurys soviétiques, relate ainsi Didier Schnorhk. Sur un plan esthétique, le monde artistique était également sommé de choisir et d’arbitrer des querelles entre des écoles instrumentales nationales très fortes. Le Concours de Genève est resté en cela fidèle à son ADN Suisse : la neutralité.
Nous avons gardé, avec la pluridisciplinarité et le rayonnement international, cette curiosité et cette indépendance totale. Nous sommes libres de toute pression et influence, ce qui nous permet aussi de travailler avec toutes les institutions musicales de par chez nous (institutions d’un excellent niveau), et de rayonner à travers le monde. Notre gouvernance aussi est paritaire, sur les plans organisationnels et artistiques.”
Discipline(s)
Le Concours aime ainsi à retracer son histoire passée pour mieux continuer d’écrire son histoire future : “Nous avons conservé la richesse des disciplines, explique ainsi Didier Schnorhk, mais en les concentrant et en les espaçant : le concours propose ainsi désormais deux disciplines par an (en 2024 il s’agira ainsi du chant et de la composition). Nous visons à ce que le piano et le chant reviennent tous les quatre ans environ (parce que ces disciplines sont incontournables et très appréciées du public). La composition revient tous les deux ans car une fondation soutient ce programme (et car nous voulons lui donner un dynamisme renouvelé, aussi car cela nourrit les programmes du concours et du répertoire). Le quatuor revient tous les cinq ans environ. Pour certains instruments, c’est presqu’une fois seulement par génération d’instrumentistes, mais de fait les éditions du concours sont alors très attendues.”
Et pour organiser un tel événement avec tant de disciplines, il faut… de la discipline. Heureusement, les Suisses n’en manquent pas comme s’en félicite le Secrétaire Général : “Nous avons toujours accordé la priorité au déroulement de l'événement, que tout soit ciselé, huilé comme de l’horlogerie suisse.”
Faire d’un passage obligé une opportunité
Comme le rappelle Didier Schnorhk, “Les Concours internationaux sont une étape indispensable dans une carrière (il suffit de lire les biographies des solistes pour s’en rendre compte), parce qu’ils offrent une rampe de lancement unique pour propulser des carrières internationales (notamment pour les artistes qui n’ont pas d’exposition médiatique et de ‘réseaux’).”
Le Concours donne ainsi à tous une portée internationale, correspondant à sa réputation internationale. Antoinette Dennefeld (lauréate du Concours en 2011), ayant fait des études de chant à Lausanne, connaissait bien entendu et avait bien repéré ce Concours, comme elle nous le raconte : “Il est très connu et renommé pour ses différentes spécialités. Alors, lorsqu’une session de chant se présente, c'est forcément un événement pour les jeunes artistes lyriques : j’attendais cette édition impatiemment. Je m'y suis ainsi présentée en 2011 (nous étions d'ailleurs un certain nombre du conservatoire de Lausanne à candidater). Contrairement à d'autres concours internationaux où la candidature n'était pas simple, Genève facilite les démarches. Par contre, il y a plusieurs étapes à ce concours, et toutes sont très exigeantes en termes de répertoire, avec plusieurs récitals à préparer pour les différentes phases jusqu'à la finale avec orchestre.”
Même tonalité de la part de Marina Viotti (lauréate de la dernière édition en date du Concours, en 2016). “Étant alors scolarisée à l’HEMU (Haute Ecole de Musique de Lausanne), le prestige de ce concours rayonnait beaucoup. Je passais alors tous les concours permettant d'obtenir des aides, des bourses et de se faire connaître. D’autant que le pianiste Todd Camburn, qui m'accompagnait à l’époque et m'accompagne toujours, travaillait au Grand Théâtre de Genève et aussi pour ce concours. Il m’avait chaleureusement recommandé cette opportunité, particulièrement parce que cette compétition est bien plus développée et déployée que les autres. Le Concours de Genève demande et permet de présenter beaucoup de programmes. C’était une expérience très intéressante pour cela, me permettant de montrer ma personnalité. Déjà durant mes études, je ne faisais pas que de l'opéra et je ne voulais pas m’y cantonner. Or, dès la demi-finale nous avons droit à un récital de près d’une heure et très varié. Cela m’a permis de montrer du cross-over, de raconter une histoire, de proposer une thématique. D’autant qu’à cet âge et pour ma voix de mezzo, le répertoire lyrique peut être encore très restreint (c’est d’ailleurs ce qui m’a coûté le premier prix : le fait d’avoir déjà fait trois tours extrêmement riches et denses puis de devoir faire de grands airs encore lointains pour moi pour la finale).
Pour ma demi-finale, j’avais ainsi fait un récital qui est resté le récital que je fais toujours aujourd’hui : “Love has no borders”. Il parcourt l’évolution de l’amour à travers l’opéra, l’opérette, le Lied, Brel, le jazz, etc. Un grand panorama de différents styles et visages, de différentes langues de l’amour. C’est ce que je défendais, c’est ce que je défends de plus en plus. Ce récital en demi-finale a été filmé, retransmis, il m’a apporté beaucoup de visibilité dans le champ du récital (ce qui est très intéressant pour moi). Et tout mon parcours dans ce concours m’a permis de montrer ma versatilité. Il m’a ensuite permis de faire mes premiers pas à Zurich, de passer des auditions où les gens avaient ainsi entendu parler de mon nom.
Entendue en salle et en streaming, j’ai été invitée pour des castings (y compris à La Scala de Milan) et pour des productions. Ce concours est très important à ce niveau-là, et parce qu’il est le seul à demander autant de répertoires. C’est un parcours au long cours : nous sommes toujours en lien (ils m'ont d’ailleurs demandé de poser pour la photographie officielle de cette édition 2024).”
Même expérience pour Antoinette Dennefeld : “Les programmes à préparer demandent d'intégrer une grande diversité artistique : opéra, oratorio, mélodie, etc. Pour moi qui touchais à tous ces répertoires et aimais varier, cela m'a particulièrement convenu. J'avais des choses à proposer, d’autant que je venais d’obtenir mon Master quelques mois auparavant à Lausanne, et que j’avais alors déjà dû préparer deux récitals, avec piano et avec orchestre. J'avais donc déjà en poche et en voix des programmes cohérents, avec une logique thématique et que j'avais déjà pu présenter en public.
J’ai toujours aimé cette diversité, elle était dans mon caractère mais la Haute École de Musique de Lausanne m’a beaucoup encouragée dans cette voie. La formation mettait beaucoup l'accent sur l'opéra et la dimension scénique bien entendu mais aussi sur la musique de chambre, et via beaucoup de formes différentes (en chant-piano, avec d'autres instruments), le tout avec une grande ouverture vers des répertoires très différents. C'était très enrichissant et cela m'a beaucoup aidée à construire une personnalité musicale, à affiner mon écoute et ma musicalité.
Je trouve très intéressant que le Concours nous demande de chanter ainsi des récitals, et pas seulement un air ou quelques morceaux. C’est exigeant, mais il est aussi très difficile et même frustrant de n’être jugée que sur un air.
J'avais cherché dans les pré-sélections et différents tours de cette compétition à proposer cette richesse, cette variété, d'autant que nous avons le temps dans les épreuves de déployer des airs et des mélodies plus longs, avec de l'espace pour s'exprimer. J’ai ainsi chanté notamment “Asie” de la Shéhérazade de Ravel et le Rondo final de La Cenerentola de Rossini. Avec Teresa Berganza en présidente du jury c'était un peu osé de ma part ! Cela a de fait donné lieu à une conversation technique intéressante. Elle a toutefois été très exigeante et le concours n’a pas attribué de premier ou deuxième prix cette année-là.”
Juger
“Les meilleurs musiciens du monde cherchent à se faire connaître et participent à de prestigieux concours internationaux, affirme Didier Schnorhk. Il est important qu’ils sachent qu’ils sont jugés de manière juste, équitable, avec des normes reconnues. Chaque jury et chaque juré a bien sûr sa personnalité et sa sensibilité, mais ils se réunissent autour de ce qui forme les conditions d’une prestation professionnelle du plus haut niveau. Les lauréats de notre concours doivent être reconnus, ainsi, comme des artistes qui peuvent être engagés et vont lancer une carrière.”
Au point donc que le Concours, régulièrement, n’attribue pas tous les prix en jeu. “À Genève c’est une tradition, explique en effet Didier Schnorhk. Nous ne sommes pas obligés de donner tous les prix. Bien entendu, nous sommes tristes lorsque cela arrive, mais cela rappelle aussi l'exigence de ce concours, le niveau exceptionnel que nous attendons, alors que ces musiciens sont encore en formation, aux débuts de leurs parcours.” Et de fait, depuis 2005, 17 prix (premier ou deuxième) n’ont pas été attribués. Entre 2005 et 2011, seuls six premiers prix (sur 14 finales) ont été décernés, dont un double premier prix ex-aequo pour les quatuors à cordes Armida et Hermès en 2011. Les deux derniers concours de chant, ceux auxquels participaient Antoinette Dennefeld et Marina Viotti, n’ont pas décerné de premier prix. Toutes deux sont lauréates d’un troisième prix (la plus haute récompense l’année d’Antoinette Dennefeld, ex-aequo avec Ania Vegry, en l’absence également d’un deuxième prix). “J’en avais été sincèrement déçue, confie Marina Viotti, mais cela m’avait aussi fait réfléchir, j’ai encore mieux construit mes programmes par la suite et mieux choisi les morceaux que j’ai présenté aux finales des concours suivants. Ce sont d’ailleurs aussi des choses que j’enseigne désormais à mes élèves (c’est ma grande passion ! je sais, je suis jeune [rires] mais justement je suis passée récemment par ce qu’ils traversent, je sais ce que c’est, je peux leur apporter cela en plus du chant et de la technique).”
Se préparer
Alors pour réussir, il faut bien entendu une sacrée préparation, à toute épreuve. “Le Concours de Genève, de par son prestige et sa dimension, demande le plus haut niveau d'exigence, rappelle Didier Schnorhk. Il ne faut pas prendre le concours à la légère. Quel que soit le talent d’un artiste, il doit se vouer à une préparation totale et d’un absolu sérieux durant de nombreux mois. Nous avons hélas vu des artistes au talent exceptionnel mais qui ont raté la récompense par manque de préparation. Il faut faire ce grand travail, en termes de temps et sur soi-même : c’est un travail infiniment précieux en soi pour tout le reste de tous les parcours. Il faut se donner les moyens de ses ambitions et avoir les ambitions les plus élevées. Il faut participer au concours pour le gagner, donc y croire et y croire jusqu’au bout, jusqu’à la dernière note de la finale.
Nous offrons une assez grande liberté dans les programmes (et nous encourageons la diversité, y compris dans les répertoires imposés). Et nous aimons la liberté, dans les choix des artistes, dans leurs interprétations : nous ne voulons pas entendre les mêmes morceaux joués partout, toujours de la même manière. Il faut oser (avec mesure et talent) et prendre des risques (calculés certes) pour y arriver. C’est ce qui fait toute la différence. Le jury, tout prestigieux et international qu’il soit, a envie d’écouter de la musique, de vibrer et pas seulement d’être impressionné par la virtuosité. L’idéal est d'allier musicalité, technique, virtuosité et audace avec personnalité. Le répertoire est immense et il faut jouer sur les contrastes.”
Marina Viotti, confirme, persiste et signe dans l’optique ambitieuse de cette richesse artistique, qui est aussi un moyen de bien se préparer. “Les concours sont des épreuves, renouvelées de jour en jour. Ce sont des processus très longs, où il faut savoir enchaîner et toujours tout donner. Je conseille donc aux candidats de bien réfléchir à un programme qui tienne la route et sur lequel ils vont tenir la route eux-mêmes. Il faut que ce programme reflète leur personnalité, et qu’il aille crescendo jusqu’à la finale. Ce n’est d’ailleurs pas forcément un bon choix que de garder des œuvres méconnues pour la finale.
Il faut bâtir les programmes comme une architecture qui permette de soutenir sa personnalité artistique et ses moyens vocaux, de les présenter pleinement et de les déployer. C'est un exercice très exigeant, difficile, stressant, mais les concours sont selon moi de bien meilleurs moments que les auditions pour des rôles. Les auditions occasionnent souvent beaucoup de frais, on arrive fatigué après un voyage, on n’est pas dans les bonnes conditions. Dans un concours, tout le monde est sur place uniquement pour cela, et on y chante pour plusieurs directeurs d’opéras en une seule fois.”
“Les concours représentent un exercice très difficile, confirme Antoinette Dennefeld. Il faut être bien accroché dans son estime de soi, et être lucide : savoir où on est vocalement et artistiquement. On se retrouve confronté à des voix très différentes, à des degrés de maturité très divers. La comparaison peut parfois être douloureuse, même si c’est très stimulant : il faut y aller pour rencontrer, écouter, regarder les autres, échanger avec des artistes de notre âge qui rencontrent les mêmes enjeux, mais qui ont aussi des parcours différents et peuvent nous apprendre ainsi bien des choses.”
Dérouler
Une expérience d’ailleurs renforcée par l’accueil sur place, comme le raconte le Secrétaire Général : “C’est une spécificité du Concours de Genève, et de longue date, les familles accueillent chez elles les jeunes candidats. Leur soutien est très chaleureux et précieux, ils les accompagnent dans ces épreuves, ils restent en contact, ils se revoient quand ils reviennent. Je connais ainsi des gens qui sont amis avec de grands noms du monde de la musique classique parce qu’ils les ont accueillis dans leur jeunesse.
Et pendant le concours nous organisons aussi des master-classes, des conférences (nous l’avons même fait sur la façon de juger), des médiations auprès des jeunes d’écoles, d'étudiants d'université, auprès du grand public (il y a ainsi les Prix du public, Prix jeune public, Prix des étudiants, parmi plusieurs autres prix spéciaux). Le concours permet ainsi d’intéresser toute la population à la musique classique. Et nous avons pour projet d’aller à la rencontre des publics éloignés, empêchés. Pendant l’année aussi nous organisons quelques concerts, avec des lauréats. Les spectateurs apprécient de les retrouver ainsi, une communauté se constitue.”
“Genève est une ville culturelle très riche et bien sûr, en tant qu’étudiante en chant, j’y allais régulièrement, témoigne également Antoinette Dennefeld. Pouvoir y chanter jusque dans son Grand Théâtre était une belle expérience et le public était très présent, toujours très accueillant et particulièrement chaleureux. J’ai d’ailleurs obtenu le prix du public, ainsi que le prix Air France (deux billets aller-retour pour la destination de mon choix, alors j’ai pu ainsi faire un merveilleux voyage dans le plus bel et lointain des lieux, en Polynésie Française).
Mais pour moi, la plus belle récompense à l’issue de ce concours a été le fait que Serge Dorny m’ait invitée à participer à la production de L’Enfant et les Sortilèges à Lyon dans le cadre de l’Opéra Studio (il leur manquait une chanteuse pour incarner la Chatte et l'Ecureuil). Cette production a été le premier domino du lancement de ma carrière. C’est grâce à elle que j’ai rencontré mon agente Sandrine Plumel et c’est donc suite au Concours de Genève que tout s’est ensuite ouvert pour moi.”
Préparer l’après
“L’organisation de l’événement est absolument essentielle, poursuit Didier Schnorhk, mais avec notre mécanique bien réglée, nous avons également pu accorder et dégager, au fur et à mesure, de plus en plus d'importance, de temps et de moyens au suivi et à l'accompagnement des lauréats du concours. Progressivement, nous avons ainsi construit un véritable programme de début de carrière, en y investissant du temps, de l’argent et des ressources humaines. Je suis très fier de ce programme que nous développons depuis 20 ans, c’est une valeur forte.
Une agence artistique travaille pour nous et propose aux lauréats de s’occuper d’eux pendant deux années au moins (parfois beaucoup plus). Nous leur obtenons ainsi des concerts, des engagements, des auditions, des enregistrements. Cela fonctionne bien : pour multiplier et faire fructifier les sollicitations des artistes qui sont déjà sollicités et pour trouver des opportunités à ceux qui n’en auraient pas. De surcroît, ces dernières années, nous avons créé une offre de formation d'ateliers professionnels : une semaine durant, une fois par an, nous invitons des lauréats du concours à parler et à se former sur tout ce qui concerne leur carrière (outre l'interprétation musicale) : les questions contractuelles, financières, marketing, la construction d’un projet (y compris sur le plan budgétaire), la conception d’une carrière, la communication et l’image (aussi sur les réseaux sociaux), etc., le tout avec des spécialistes, des grands professionnels, en faisant des exercices pratiques.
Nous l’avons mis sur pied il y a 4 ou 5 ans, et nous continuons à le développer. C’est très apprécié et nous pouvons aussi en faire profiter les élèves de très haut niveau que sont les musiciens de la Haute Ecole de musique de Genève. En outre, depuis l’année dernière, nous travaillons conjointement à développer ces programmes avec d’autres structures qui sont dans cette logique (comme le Festival d’Evian, La Belle Saison). J’ai bon espoir que nous puissions essaimer à travers l’Europe et constituer un pool de formation professionnelle des jeunes musiciens. Ces jeunes, doués d’un talent extraordinaire et ayant une carrière devant eux, sont trop souvent (et même en général) perdus devant le monde de la musique qui est aussi un business. Ils risquent alors d'être mal conseillés, par des personnes peu scrupuleuses.
Dans ces ateliers, nous leur demandons de défendre un projet artistique (de tournée, de concert, de disque, etc.) d’une manière entièrement libre et ouverte. Nous avons envie qu’ils nous proposent quelque chose, qu’ils ne fassent pas le même programme que tout le monde, contenant les mêmes morceaux que d'habitude et sans lien entre eux. S’ils savent relier les thématiques musicales, les expliquer et les partager, les relier à d’autres arts, à des traditions créatives, alors le public et les programmateurs vont être intéressés. Nous avons voulu également transposer cette exigence dans le concours même, afin d’en faire aussi un élément d’évaluation par le jury pour choisir les finalistes.
Les candidats présentent ainsi un projet, que nous aidons ensuite à réaliser dans les saisons qui suivent le concours. Ils disposent d’un mois entre leur sélection et la demi-finale pour préparer ce projet. Durant ce mois, nous leur offrons un coaching professionnel de préparation. Des gens du métier les font travailler à la construction du projet, les challengent, leur font des remarques, des critiques, leur apportent des conseils. Et les jurys nous ont dit combien il est intéressant de connaître cette autre dimension de la personnalité de ces jeunes artistes, de les voir et de les entendre autrement qu’avec leur instrument. Ce n’est pas du tout contradictoire avec l’évaluation de leur qualité musicale intrinsèque (ceux qui ont quelque chose à dire avec leur projet ont quelque chose à dire à l’instrument, et souvent d’ailleurs, les premiers lauréats sont les meilleurs dans tous les volets du concours).
Certains ont des projets fous, d’autres très classiques. Ils ont ensuite un petit budget pour lancer le projet et nous les aidons, pour trouver des collaborateurs, des lieux, nous les encourageons et relançons.
Je suis convaincu que c’est ce qu’on demande à des jeunes : d’avoir des idées, des propositions, que c’est ainsi qu’ils peuvent se différencier et exprimer toute la richesse de leurs talents.”
Marina Viotti peut témoigner directement de cette fidélité et de ce soutien : “J’ai continué à être engagée plusieurs années après par le concours pour des concerts, des événements. Ils deviennent comme une seconde agence, permettant de faire ses armes, de rencontrer différents publics. Je me souviens ainsi par exemple d’un concert avec le Vision String Quartet qui venait de gagner le concours (la même année que moi, en 2016). Car eux aussi ont cette volonté de faire des concerts mêlant la musique classique avec d’autres styles. Ce concert était pour moi une véritable révélation de tout ce qu’on peut apporter en dépassant les cases et de combien la qualité est alors au rendez-vous (j’ai d'ailleurs un trio avec leur violoncelliste).”
“Au final, ce sont les deux seuls concours auxquels j’ai participé, explique Antoinette Dennefeld. D’ailleurs, après Marmande, Maurice Xiberras m’a invitée à Marseille et donc Serge Dorny m’a invitée à Lyon après Genève, or ce sont des théâtres avec lesquels je travaille régulièrement, ils me font confiance sur le long terme, et nous pouvons bâtir ensemble sur plusieurs saisons. Ils me donnent en outre une visibilité sur des engagements futurs, en me permettant de me faire connaître et reconnaître et de gagner ma place sur les autres scènes.
Le Concours de Genève m’a également proposé ainsi des projets dans les années suivantes : des concerts (notamment un projet commun avec un lauréat du concours de quatuor à cordes).”
“Le Concours de Genève est une institution qui est fidèle et dans laquelle on reste longtemps, conclut Didier Schnorhk : je suis seulement le troisième Directeur du Concours (depuis sa création en 1939) !”
Retrouvez toutes les informations sur le site internet du Concours de Genève. Les inscriptions sont ouvertes jusqu'au 17 avril 2024 pour le chant et jusqu'au 29 mai pour la composition, puis rendez-vous sur Ôlyrix pour suivre le Concours et en découvrir les lauréats.