Risques auditifs : mieux vaut prévenir que guérir !
Qu'entend-on par "risque auditif" ?
Ce que l’on appelle communément “volume” désigne en réalité le niveau d’intensité sonore mesuré en décibels (dB). Cette mesure du volume et l’impact de celui-ci sur la santé ont des caractéristiques exponentielles. Si l’intensité sonore double (deux violons jouant au lieu d’un seul par exemple) alors le niveau d’intensité sonore augmente seulement d’environ 3 dB, c’est dire la quantité d’énergie supplémentaire qui doit être déployée pour doubler le nombre de décibels et les conséquences qui peuvent être terribles sur l’audition. Ce risque auditif dépend principalement de deux facteurs : ce niveau d’intensité sonore donc, mais aussi la durée d’exposition à la source. Différents seuils maximum sont ainsi fixés, selon la durée d'exposition (expliquant les différences entre les seuils réglementaires fixés pour le public et pour les travailleurs, ces derniers étant exposés plus longtemps et plus régulièrement). Le Code de la santé publique impose ainsi de ne pas dépasser 102 dB en moyenne toutes les quinze minutes dans une salle accueillant du public alors que la limite fixée par le Code du travail pour les salariés est de 87 dB sur huit heures (charge donc à l’employeur de faire en sorte que ces professionnels soient moins exposés et/ou mieux protégés).
Quels risques pour l’audition ?
L’effet auditif le plus fréquent est la perte de l’audition, qui correspond à une déficience auditive de 25 dB ou plus. Une déficience comprise entre 25 dB et 40 dB correspond à une surdité légère. Le niveau sonore perçu dépend aussi de la fréquence du son, certaines fréquences étant moins accessibles à l’oreille humaine. Le déficit caractéristique d’une perte de l’audition s’appliquerait d’abord sur les plus hautes fréquences avant de s’étendre à un spectre de fréquences plus large, devenant un handicap pour la vie quotidienne. Par ailleurs, une trop forte exposition au bruit provoque des effets extra-auditifs : il peut avoir des conséquences sur le sommeil, le rythme cardiaque, les systèmes cardio-vasculaire et immunitaire. D’où la nécessité d’avoir un suivi médical régulier et de consulter au moindre signal d’alerte (de type acouphène, ou sifflement notamment).
Si le phénomène touche moins le domaine de la musique symphonique que celui des musiques amplifiées, le risque demeure toutefois pour les travailleurs et le public. Le niveau sonore varie selon les différents instruments de l’orchestre et leurs timbres. Sans surprise, les cuivres et les bois (instruments à vents, pour leur projection du son) et les percussions produisent le niveau sonore le plus élevé. Un autre paramètre du risque auditif est le caractère dit “impulsionnel” d’un son (notamment dans le cas des percussions). Un son bref et soudain de niveau sonore même moyen peut être agressif, voire un traumatisme pour l’oreille, et donc, un danger pour l’audition.
Comment disposer l’orchestre ?
Il est absolument nécessaire d’utiliser des salles dont les dimensions conviennent au nombre de musiciens, aussi bien pour les concerts que pour les répétitions. Le guide du Ministère du Travail préconise ainsi une hauteur sous-plafond d’au moins 7 mètres (3,5 mètres plus 2,5 mètres de fosse dans ce cas-ci). Une disposition optimale de la salle cherche à éloigner au maximum les musiciens les uns des autres afin de protéger leur audition, l’idéal étant que chacun dispose d’une surface au sol de 2 mètres carrés. Plusieurs techniques existent cependant pour pallier le manque d’espace, notamment dans le cas de la fosse d’orchestre.
Une première solution aussi simple qu’efficace est le nivellement de l’espace : la différence de niveau permet en effet d’éloigner les musiciens les uns des autres sans pour autant augmenter la surface au sol. C’est au moyen d’estrades ou de podiums que l’on peut agir sur la topographie du sol, au gré des exigences de la musique et des besoins des artistes.
Le traitement acoustique des surfaces composant l’espace (sol, murs, plafond) est également indispensable, autant pour le confort et la sécurité des artistes que pour la qualité de la musique produite : l’installation de revêtements en matériaux appropriés et de panneaux acoustiques amovibles permet une absorption optimale des basses et moyennes fréquences. En résultent un son plus net pour le public, la possibilité d’une meilleure écoute entre les musiciens et la mise en valeur des timbres des solistes.
Il existe d’autre part des dispositifs permettant d’augmenter le niveau sonore perçu par le public sans solliciter davantage les musiciens. D’abord et dans le cas d’un concert symphonique (où l’orchestre serait sur scène), le maintien d’un espace vide à l’avant-scène permet ce phénomène d’amplification, par effet de réflexion du son sur la surface du sol (si tant est que le matériau de revêtement soit adéquat). Dans le cas où la mise en place de cet espace de projection est impossible (dans la fosse par exemple), l’utilisation de conques acoustiques sonores (panneaux diffusants) permet, selon un principe de réflexion similaire, d’augmenter la puissance de l’orchestre du point de vue du public. À noter que le recours à ce système de diffusion n’est pas systématique, mais peut représenter une aide à la projection du son dans certains cas pertinents (dans le cas d’une salle particulièrement grande, mal sonorisée, ou bien si la puissance de l’orchestre a une importance particulière dans l'œuvre).
Enfin, la mise à disposition d’équipements acoustiques de petite envergure (estrades, podiums, écrans en plexiglas, pare-sons, panneaux muraux…) permet de protéger les musiciens les uns des autres (notamment les bois des embouchures des cuivres, et les cordes des pavillons des instruments à vent) de manière efficace. Les panneaux en plexiglas, souvent observables entre les différents pupitres, ont un effet négligeable sur le niveau sonore global (1 à 2 dB) mais représentent, en termes d’exposition des instrumentistes, un gain pouvant aller jusqu’à 8 dB (chiffres provenant toujours du dossier émis par la Direction Générale du Ministère du Travail).
Quoi qu’il en soit, la disposition d’un orchestre relève d’une étude acoustique approfondie et menée par des professionnels. Aussi existe-t-il des logiciels permettant de traiter au mieux l’organisation d’une salle d’un point de vue acoustique en prenant en compte tous ses paramètres, et de disposer les musiciens et les équipements de manière optimale (le dossier cite un logiciel de conception assistée par ordinateur type “3DBuilder”). Malgré tout, le risque sonore demeure fonction de la durée d’exposition à la source, et la manière la plus efficace de le prévenir reste, pour les musiciens, d’inclure des pauses régulières aux répétitions.
Comment se protéger ?
Il existe différents types de protections auditives adaptables aux besoins, préférences et exigences de chacun. Pour chacune le principe est identique : il s’agit d’atténuer le niveau sonore perçu, de 15 dB à 35 dB (selon les protections). La différence de qualité (et de prix) ne tient pas tant à la capacité d’atténuation mais dans la préservation du son perçu, c’est-à-dire de toutes les fréquences et harmoniques qui le composent. Ainsi, les protections dites “standard” (bouchons en mousse, pré-moulés, casques) conviennent-elles pour l’exposition ponctuelle d’une personne n’étant pas en charge de la musique produite, car elles en modifient la perception. À l’inverse, les protections dites “à atténuation uniforme” (moulé sur-mesure, pré-moulé ou casque mais à atténuation uniforme) atténuent le niveau sonore du son perçu tout en préservant l’intégralité du spectre. L’oreille perçoit alors le même son à un niveau sonore plus faible. Ce paramètre est bien entendu extrêmement important dans le domaine de la musique classique où chaque instrumentiste et chanteur doit avoir une perception parfaite de la production sonore de l’orchestre, du chœur, de chacun de ses voisins afin d’adapter sa justesse, son rythme, son timbre, ses effets. Le documentaire sur L’Opéra de Jean-Stéphane Bron en 2017 montrait à ce titre une scène aussi étonnante qu’éloquente sur les débats des fois très vifs entre choristes et direction autour de la disposition et de l’interdiction de boules quiès obstruantes.
Quoi qu’il en soit, il est de la responsabilité de chacun, des organisateurs de concerts, des artistes et spectateurs de veiller à limiter la durée et l’intensité de l’exposition au bruit et, le cas échéant, de se protéger en conséquence afin de préserver son audition.