Rapport de la SACD sur la (faible) place des femmes dans la culture : constat franc et perspectives
Le 5ème Rapport annuel consacré à la place des femmes dans la culture vient d’être publié par la Société des Auteurs et Compositeurs Dramatiques (SACD : nous vous expliquions l’historique et le dernier rebondissement parmi les Sociétés de droits d’auteurs dans notre article à retrouver ici). L’étude repose sur l’analyse des programmes et des organigrammes de 102 théâtres, orchestres et opéras subventionnés en France. Les chiffres sont précis et, confrontés selon leur évolution sur les 5 dernières années, ils ne laissent pas entrevoir d'amélioration.
La musique, et en particulier les nobles rôles de créations, sont particulièrement à la traîne. En ce qui concerne l’opéra, on ne compte ainsi que 2% de compositrices et 5% de librettistes. Parmi les huit opéras de France qui présentent plus de dix spectacles par saison, on ne compte que 15% de femmes, tout poste confondu. Le chiffre est toutefois meilleur (ou moins mauvais) dans l’opéra qu'en ce qui concerne le reste de la musique où elles ne sont que 7% d’artistes (compositrices, chorégraphes, metteuses en scène, librettistes, cheffes d'orchestre, solistes) en ajoutant les festivals et les orchestres nationaux.
Nous vous faisions part de notre admiration pour la direction de Julia Jones dans L’ Élixir d'amour de Donizetti à l’Opéra national du Rhin (dans notre compte-rendu, ici), non pas du fait de son identité de genre (bien que la sous-représentation féminine nous l’ait certes fait remarquer), mais tout simplement pour son talent. Il est en effet rare de voir une femme à la tête d'un orchestre prestigieux (autre que baroque, un répertoire dans lequel ont pu s'imposer Emmanuelle Haïm ou Laurence Equilbey). On pense bien à la finlandaise Susanna Mälkki qui dirigera Trompe-la-mort de Luca Francesconi à l'Opéra de Paris en mars prochain (réservez vos places ici), ainsi qu’à Sofi Jeannin, directrice de la Maîtrise de Radio France ou à la "cheffe" d'orchestre américaine Marin Alsop, mais le bilan reste maigre.
Le monde du théâtre atteint quant à lui 24% "d'autrices" et 29% parmi les metteuses en scène (corollaire incontournable, ces chiffres se font ressentir concernant la part globale des femmes dans les spectacles programmés : 23% dans les théâtres nationaux, 29% au Festival d'Avignon et 30% dans les Centres dramatiques nationaux et régionaux). En ce qui concerne la création en danse, une discipline pourtant souvent associée au féminin, le seuil de l’égalité n’est pas atteint non plus, avec 40% de femmes parmi les chorégraphes.
Cette sous-représentation féminine ne vient pas d’un manque de formation, au contraire puisque 52% des étudiants des écoles de l'enseignement supérieur Culture en spectacle vivant sont des étudiantes. Ce chiffre de formation paraît rassurant au premier regard mais il est alors d’autant plus cruel puisqu’il indique que les femmes ont énormément plus de mal à faire reconnaître leur niveau acquis.
Enfin, la nomination de femmes à des postes de direction se fait attendre. On dénombre 29% de directrices parmi les scènes nationales, 25% dans les centres dramatiques nationaux et régionaux, 15% dans les Maisons d'opéra (Caroline Sonrier Directrice de l'Opéra de Lille, Valérie Chevalier Directrice générale de l’Opéra Orchestre national Montpellier Languedoc-Roussillon, Anne Tanguy à la Scène Nationale de Besançon auxquelles on peut ajouter des présidentes : Arlette Desgeorges au Centre Lyrique Clermont Auvergne, Catherine Pégard au Château de Versailles spectacles, Michèle Daclin pour la Biennale Musiques en scène de Lyon, Josette Gilles et Myriam Gaudin à l'Opéra des Landes ainsi qu'Anne Blanchard, Directrice Artistique du Festival international d'opéra baroque et romantique de Beaune).
Parmi les directeurs des lieux de création et de diffusion du spectacle vivant subventionnés par le ministère de la Culture, 13% sont des femmes dans les Centres chorégraphiques nationaux et les Théâtres nationaux affichent un zéro pointé. À titre de comparaison, une incursion dans le cinéma et la télévision ne semble pas révéler une situation bien meilleure, puisque les femmes ne sont représentées qu'à hauteur de 36 % dans les comités de direction et de 39 % dans les conseils d'administration. Toutefois, seul indicateur positif de ce panorama, elles sont 67% dans les directions des antennes et 60% (3 sur 5) à leur présidence.
Constatant que les chiffres ne progressent pas, la SACD émet sept propositions qui imposeraient des objectifs chiffrés de programmation, d'engagement et de nomination, la parité dans les jurys et comités d'expert ainsi que l'obligation de mentionner au public ces chiffres.
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