Le confinement se répète mais la culture continue de répéter
Comme en Allemagne, Belgique, Italie, ou encore en Suisse, les salles de spectacles ne peuvent recevoir de public en France, mais à la différence de ces autres pays, l'Hexagone est re-confiné. Toutefois, à la suite des annonces présidentielles d'hier soir, le discours du Premier Ministre devant l'Assemblée Nationale ce matin et la conférence de presse ce soir ont précisé des mesures plus souples que pour la première vague. Jean Castex a notamment déclaré : "Pour la culture, nous autorisons le travail préparatoire aux spectacles, les répétitions, les enregistrements et les tournages afin de préparer les activités de demain." En l'occurrence, demain désigne certainement l'après-confinement et le retour du public en salles, mais ce demain étant alors bien lointain dans ce cas, il pourrait (voire il devrait) aussi signifier littéralement demain.
Puisque la décision a été prise de re-confiner le pays à l'exception du travail, il paraît en effet logique que les artistes et techniciens du spectacle puissent continuer leurs activités professionnelles. Comme le soulignent des dirigeants de salles, c'est indispensable pour que les productions puissent être montées et répétées afin d'être représentées. Il ne manquerait alors plus qu'une chose : le public, d'où précisément le besoin de pouvoir retransmettre ces productions au plus grand nombre et avec un modèle économique. Malheureusement, beaucoup de théâtres vont souffrir de leur retard technologique (bien peu disposent en France de systèmes de captations et de retransmissions intégrées voire même automatisées en salle : le Ministre de l'Economie Bruno Le Maire annonçait d'ailleurs ce soir vouloir encourager la transition numérique de toutes les entreprises), ils souffrent encore et toujours du désengagement croissant de l'audiovisuel public vis-à-vis du spectacle vivant, mais également de la chute du marché des supports enregistrés et de l'absence de licences globales de streaming qui apporteraient des ressources bien utiles (ou plutôt vitales) aux artistes et aux lieux de spectacles. Le fameux serpent de mer qu'est devenu le "pass culture", grand projet du Président Emmanuel Macron, ne s'est toujours pas généralisé, pire, il était en voie d'être tout simplement abandonné, jusqu'à ce que la crise rappelle à quel point il est capital de stimuler, d'encourager et d'accompagner la demande culturelle. Or, en ces temps de culture confinée, il pourrait servir de moyen de paiement dématérialisé pour des retransmissions en streaming.
Les maisons se mobilisent donc actuellement pour maintenir au maximum leur travail (alors même que tous leurs spectacles de novembre sont annulés et que les suivants sont menacés). Le compositeur Éric Breton nous informe ainsi à l'instant que les représentations du Messie du Peuple Chauve auront bien lieu, à huis clos mais avec une captation et une diffusion, soit en direct, soit en différé, entraînant "l'euphorie générale" parmi l'équipe artistique. La Philharmonie de Paris annonce que tous ses bâtiments sont fermés, ses activités annulées, mais l'institution étudie "la possibilité de reporter certains concerts, tandis que d'autres seront maintenus sans public et diffusés" en ligne : nous rendrons ainsi compte du concert de l’Orchestre de Paris dirigé par Rebecca Tong (qui a remporté le Concours de cheffes d'orchestre La Maestra) le lundi 2 novembre à 18h30 comme nous l'avions prévu (ou presque). Au Château de Versailles Spectacles, trois concerts seront enregistrés pour le label discographique de la maison (Rameau Triomphant avec Mathias Vidal, ainsi que les Grands Motets Rameau et Mondonville dirigés par Gaétan Jarry et les Symphonies pour les Soupers du Roi de Lalande dirigés par Vincent Dumestre) ce qui permet de sauver 15 journées de travail pour une moyenne de 30 artistes/jour. De son côté, l'Opéra de Paris annonce maintenir ses répétitions et espérer notamment "être en mesure d'enregistrer et de diffuser L'Anneau du Nibelung de Richard Wagner, à la fin du mois de novembre."
L'Éléphant Paname maintient L'Instant Lyrique de Sandrine Piau avec Chloé Briot et Susan Manoff, programmé ce mardi 3 novembre : il sera accessible en streaming moyennant un ticket fixé à 2€99
La Ministre de la Culture Roselyne Bachelot, mélomane lyricophile, vient d'annoncer qu'Hippolyte et Aricie de Rameau, grande production en répétition à l'Opéra Comique, sera diffusé à la télévision sans préciser encore la chaîne ni l'heure : selon nos informations, il devrait s'agir d'Arte (visant de fait un public déjà consommateur de culture, mais permettant au moins une retransmission hertzienne et pas seulement sur Arte Concert comme initialement envisagé). Reste à souhaiter que France Télévisions se mobilise également pour diffuser des opéras, y compris sur France 2 et y compris à 21h (et pas sur France 5 en deuxième partie de soirée comme c'est pour l'instant leur politique), et que les autres grands événements culturels prévus pourront aussi bénéficier d'une visibilité télévisuelle. Cela apporterait indéniablement une lueur dans le tunnel culturel actuel.