Théâtre des Bouffes du Nord, decrescendo musical en 2020/2021
Les Bouffes-du-Nord ne cessaient de poursuivre et d'accroître un chemin musical et lyrique inscrit dans son histoire. Peter Brook avait certes dit à l'opéra "Plus jamais !" après le scandale à Londres de Salomé en 1949, 20 ans avant de prendre la responsabilité de ces Bouffes, il n'en deviendra pas moins indissociable des lieux et du genre (réinventé) pour y avoir offert La Tragédie de Carmen en 1981, aussi légendaire que son Don Giovanni au Festival d'Aix-en-Provence en 1998. Il laissera même en cadeau de départ aux Bouffes-du-Nord Une Flûte enchantée qui marquera la cession des lieux à Olivier Mantei et Olivier Poubelle en 2010, deux hommes reconnus et attendus pour leur travail musical. L'art des sons et l'art lyrique poursuivait ainsi leur chemin depuis une décennie, les Bouffes-du-Nord s'affirmant comme un lieu de création musicale reconnu (en témoignent nos comptes-rendus de Traviata, vous méritez un avenir meilleur, The Beggar’s Opera, Orfeo, Je suis mort en Arcadie, Zauberland, Funeral Blues, Songs, Heptaméron, Phèdre de Lemoyne parmi 36 articles d'actualités et comptes-rendus ces trois dernières saisons).
Le Théâtre des Bouffes-du-Nord, comme nous l'expliquait Olivier Mantei en interview, ne reçoit que 15% de subvention et son déficit atteint 800.000 € en ces temps de crise. Le programme annoncé pour 2020/2021 va piano sur la musique, ce qui est visible sur la brochure même détaillant le théâtre sur 8 premières pages avant de résumer toute la musique sur une 10ème.
La Théâtre sera très richement défendu, avec Contes et Légendes de Joël Pommerat, La Peste c'est Camus mais la grippe est-ce Pagnol ? ainsi que Tout le monde ne peut pas être orphelin par Jean-Christophe Meurisse avec Les Chiens de Navarre, Catarina et la beauté de tuer des fascistes ainsi que Chœur des amants de Tiago Rodrigues, La Disparition du paysage de Jean-Philippe Toussaint par Aurélien Bory avec Denis Podalydès (artistes certes appréciés du monde lyrique, aussi), Tempest project d'après Shakespeare par Peter Brook et Marie-Hélène Estienne, 3 Annonciations de Pascal Rambert, Les Couleurs de l'air d'Igor Mendjisky, La Mouette de Tchekov par Cyril Teste. Du chant résonnera toutefois dans ce programme théâtral : celui d'Olivia Ruiz pour Bouches cousues, celui de Charlotte Rampling pour Shakespeare-Bach.
La production de création lyrique (le seul spectacle musical donné plusieurs soirs) attendra le deuxième moitié de mai 2021 : Le Viol de Lucrèce de Benjamin Britten mis en scène par Jeanne Candel, dirigé par Léo Warynski avec des artistes en formation (chanteurs et musiciens en résidence à l'Académie de l’Opéra national de Paris et Orchestre-Atelier Ostinato). Andando Lorca 1936 "poème musical mis en musique et chanson" par Pascal Sangla sur des textes de Federico García Lorca viendra en version concert.
Un Festival La Dolce Volta donnera la voix aux instruments (Théo Fouchenneret & Adrien La Marca, Philippe Bianconi & Gary Hoffman, Jean-Philippe Collard, Geoffroy Couteau avec Raphaël Perraud puis le Quatuor Hermès). Les voix lyriques seront présentes le 14 octobre pour le traditionnel Concert des Révélations de l'Adami, et Les Cris de Paris viendront en juin. Entre les deux, un programme très divers avec piano, quatuors (Arod, Hermès, van Kuijk, Hanson), Yael Naim mais également La Tempête de Simon-Pierre Bestion.
Le decrescendo musical est notamment dû à la fin du partenariat entre les Bouffes-du-Nord et le Palazzetto Bru Zane qui y proposait de très nombreux et riches événements chaque année lors de son Festival parisien. Bru Zane qui prend pleinement ses quartiers au Théâtre des Champs-Élysées, à l'Opéra Comique et à Marigny notamment ira désormais à l'Auditorium du Louvre plutôt qu'aux Bouffes-du-Nord, mais gardera ses Bouffes (Bru Zane).