Opéra Monde, la quête d’un art total au Centre Pompidou-Metz
Reprenant le concept d’ « œuvre d’art totale » (Gesamtkunstwerk) cher à Wagner, Małgorzata Szczęśniak (la scénographe associée à Warlikowski) opère un rapprochement entre les arts visuels et l’opéra en décortiquant, par une multitude de références picturales, graphiques, sonores et filmiques, l’influence réciproque de l’opéra et des arts visuels. Avant d’aborder le parcours, les visiteurs sont accueillis à l’entrée du musée par le gigantesque gorille de L'Affaire Makropoulos, mis en scène en 2007 à Bastille. Suit en introduction le projet de l’association « museum in progress » au Staatsoper de Vienne, qui permet depuis 20 ans à divers artistes de décorer le rideau de fer qui isole la scène de la salle en cas d’incendie.
Le parcours élaboré en dix actes thématiques (entre autres "Fureur des mythes", "Chemin biblique et synesthésie spirituelle", "Corps opératiques") fait cheminer le visiteur depuis les innovations scéniques des années 1930 jusqu’à l’adaptation du monde opératique aux enjeux du monde actuel. Les costumes de Natalia Gontcharova pour Le Coq d'Or de Rimski-Korsakov font face à la sculpture récente en aluminium du « Coq d’Or, métamorphose » de Karen Sargsyan.
The Rake's Progress évolue des décors de David Hockney pour la mise en scène de John Cox en 1975 à sa captation à Glyndebourne en 2010. Les liens à travers les époques se poursuivent, comme avec ces dessins de Kokoschka, qui suggéraient une Reine de la nuit vêtue de violet et de bleu, et qui ont pu inspirer David McVicar dans sa mise en scène de La Flûte enchantée à Covent Garden en 2017.
L’absurde comme l’onirique sont exposés avec les costumes de Roland Topor pour Le Grand Macabre de Ligeti à Bologne en 1978, et la projection vidéo de Bill Viola pour le Tristan et Isolde mis en scène par Peter Sellars en 2005. Des manuscrits de Schönberg à la relation transformée au temps par Wagner, du Einstein on the Beach (Avignon, 1976) par Philip Glass et Robert Wilson aux créations de Romeo Castellucci, de Norma à Messiaen, l’exposition couvre un panel très étendu.
Les deux derniers actes mettent l’accent sur l’opéra hors cadre traditionnel et sur les corps, d’abord avec la création par Christoph Schlingensief d’un village-opéra au Burkina Faso, également centre de soins et école. Pour le corps, et la présence scénique en général, le visiteur ne peut échapper au regard de Callas avec un extrait de Médée de Pasolini, et à la raillerie de Fellini avec les jubilatoires joutes vocales des passagers de E la nave va (Et vogue le navire).
Dernière vidéo et joute proposées, celle de Clément Cogitore qui décloisonne le baroque et filme des danseurs de krump (dérivé du hip-hop qui met l’accent sur des défis entre danseurs, né après les émeutes de Los Angeles en 1992) sur Les Indes galantes pour un résultat harmonieux et impressionnant (article et réservations).
L’exposition propose de multiples événements annexes, entre autres un concert de l’Académie de l’Opéra national de Paris le 26 juin, Opéra Monde a cappella autour des Récitations de Georges Aperghis les 12 et 13 octobre, la projection du Vaisseau Fantôme de Shaun Gladwell, vidéaste qui transpose l’œuvre dans le monde aquatique le 29 juin, E la nave va en plein air sur le parvis du musée le 17 juillet, de nombreuses conférences dont l’une consacrée aux révolutions scéniques et au pouvoir de l’image sur les scènes d’opéra aujourd’hui, le 6 novembre.